Bien avant Diablo, Darksiders, Dante’s Inferno, Agony et j’en passe, j’ai visité les Enfers. J’ai pu goûté pour la première fois du haut de mes onze ans à une vision hallucinée de l’apocalypse. Ce jeu, responsable de quelques terreurs nocturnes, c’était Gynoug et c’était sur cette bonne vieille Megadrive.
Pour l’histoire, on ne peut pas faire plus direct : le paradis est attaqué par les démons , d’une armée à la solde du grand Destroyer. Wor, notre héros, est un fier petit ange ailé. Un petit blondinet certes, mais musclé. En tant que dernier gardien céleste, il attaque à coup de grosses boulettes magiques cette armada de grouillants, histoire de rétablir un semblant d’ordre sur cette planète autrefois paisible.
Shmup made in Masaya, créateur de la franchise délirante et gay-friendly Cho Aniki et d’un classique intemporel du genre, j’ai nommé Gley Lancer (sur cette même Megadrive), Gynoug (Wings of Wor aux Etats-Unis) se veut être une épopée dantesque, ou une odyssée infernale si vous préférez, à travers six niveaux. Imaginons l’enfer décrit par Dante en mode inversé, puisque l’on part des sombres cavernes pour rejoindre les cieux, bien au delà des nuages. Je signale au passage que la musique, splendide, souligne en permanence le caractère épique de Gynoug (et reste pour ma part une des plus mémorables sur la 16-bit de Sega).
Tel un bijou mêlant Heroic Fantasy, Steampunk et biomécanique à la R*type, Gynoug est orné des boss et des demi-boss les plus monstrueux qui soient ; et les plus effrayants que j’ai pu rencontrer à cette époque. Grâce soit rendue au designer Satoshi Nakai et à Manabu Takasugi qui a su donner vie à de véritables cauchemars ambulants à l’écran. Minot, j’étais facilement impressionnable mais encore aujourd’hui, je trouve ces titans particulièrement marquants. Je pense qu’il y a une raison : à l’écran notre héros est minuscule. C’est, je crois, ce qui renforce l’immensité et l’impact de ces monstrueux boss.
On est en 1991, la Megadrive doit montrer sa toute puissance et Gynoug va nous arroser d’effets spéciaux en tout genre : tremblements de terre, scrollings différentiels, déformations de l’image sous l’eau ou parallaxes à grande vitesse avec ce fameux quatrième niveau mécanique. Les décors sont à la fois simples et élégants, et même s’ils défilent en boucle, ils sont avant tout là pour mettre en valeur nos ennemis démoniaques.
Des sombres cavernes aux cieux, le combat est dantesque. Les hordes d’ennemis nous assaillent sans répit. Bien entendu les ennemis libèrent des items qui vont nous aider dans notre mission divine : des orbes rouges nous permettent d’augmenter la puissance de nos boulettes, tandis que les bleus étendent notre angle de tir.
Gynoug n’est pas un shmup bourrin, quand bien même on abuse de l’auto-fire pour tout détruire sur son passage. Au commencement, je me rappelle que je sautais sur n’importe quel item, notamment les plumes qui augmentent la vitesse de notre être ailée. Or, point trop n’en faut, notre ange gavé de plumes devient rapidement incontrôlable, en se déplaçant à la vitesse du laser. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, tant Gynoug nous obligera en permanence à bien choisir nos items.
Comme dans tout bon shoot, il est possible d’user d’armes spéciales. Ici, c’est en chinant des parchemins, sur lesquels est inscrit une lettre, des parchemins qui peuvent s’accumuler dans une barre en haut à droite de l’écran.
Allant du nuage pouvant foudroyer l’ennemi aux angelots tirant à nos côtés, en passant entre autres par d’énormes orbes dorés, elles sont nombreuses, très originales et suffisamment efficaces pour qu’on les utilise toutes durant la partie. Le jeu nous laisse le libre choix de les activer ou non, de les économiser afin de les utiliser contre les boss ou dans certains passages bien compliqués. Si l’on cumule une série de trois parchemins identiques , une fois activée, l’arme spéciale sera surpuissante, le jeu sera en plus généreux en termes de munitions. Le système d’armes spéciales demande donc de jongler avec discernement entre les parchemins et peut largement, en plus de nos réflexes et de notre dextérité, nous mener à la victoire.
Je ne sais pas si c’est le meilleur shmup auquel j’ai joué mais Gynoug a ceci d’important à mes yeux, qu’il ne ressemble à aucun autre. Il ne ressemble qu’à lui même. C’est un shmup unique à l’ambiance à la fois étrange et sombre, une ambiance incroyablement immersive. Eteignez les lumières pour y jouer, vous verrez !
Les niveaux sont longs, par moment hypnotiques, et pourtant l’intensité est bien présente, elle ne redescend jamais vu les hordes de démons qui s’abattent sur nous. La difficulté est bien présente et s’avère même être une montagne passée le quatrième niveau. Le cinquième est par exemple un véritable enfer organique où le décor mouvant, entre matière rose et fond blanc, joue contre nous. Evoquons ici le sommet du pétage de câble, en tremblant de toutes parts, je parle bien entendu du boss final. Avec ses innombrables tirs d’une lenteur particulièrement vicieuse, cette atrocité flottante demande une concentration surhumaine en étant long et retors à battre. Mémorable, cet infernal Gynoug, vous dis-je !