Suite à son éviction de Konami, il est impossible de ne pas féliciter Hideo Kojima pour avoir réussi à monter son studio et de proposer un jeu jamais vu auparavant en un temps record. Né d’un spleen contemplatif et personnel pour les landes islandaises et les musiques dépressives, d’une indigestion de réseaux sociaux et de commandes Amazon, Death Stranding se veut un jeu vidéo qui traite de son époque. Écologie, solitude, déconnexion des gens les uns des autres, vision américano-centrée du monde, vie après la mort, sont les thèmes centraux du jeu. Retour sur le dernier née du créateur de Metal Gear Solid.

L’ambiance est posée dès le départ
Un casting de rêve
Du haut de son casting cinéma 3 étoiles, la mise en scène est léchée, les cinématiques bénéficient d’un jeu d’acteur époustouflant et à raison puisque la brochette de comédiens ayant tourné pour le réalisateur japonais est impressionnante. De Norman Reedus en passant par Mads Mikkelsen ou encore Margaret Qualley, c’est un défilé de stars pour ce jeu partiellement financé par Sony qui de fait, se paye une exclue totale sur console et temporaire vis-à-vis du PC. La prestation de Mads Mikkelsen est juste superbe et la manière dont H, Kojima le met en scène force le respect en matière d’esthétique. Après une scène d’introduction troublante et glaçante, le jeu se met rapidement en place et dévoile ses objectifs dans une première zone de taille moyenne. Dès les premières minutes on réalise que H. Kojima n’a rien perdu de son savoir-faire en matière de réalisation. Les plans sont travaillés, le sound design est oppressant et les enjeux sont rapidement mis à plat. L’Amérique est sclérosée après un cataclysme nommé Death Stranding. Les gens sont bunkérisés par un mal inconnu qui dévore le monde. Les pluies acides accélèrent le vieillissement de la matière et seuls quelques livreurs de l’extrême travaillant pour diverses sociétés font le pont entre une population confinée afin de leur amener des commandes.

Mads is really Bad

On reconnait la patte Yoji Shinkawa dans les personnages
Rendez-vous sur la grève
Notre personnage est Sam Porter Bridges, incarné par Norman Reedus. Il est accompagné de BB, une sorte de fœtus enfermé dans un incubateur et servant de radar pour les échoués rodant dans ces plaines désolées qui séparent les vivants. Après quelques explications sur la situation globale, Sam va devoir traverser une Amérique cherchant à se reconstruire et retrouver Amélie, une énigmatique femme tout habillée de rouge sur la grève. Un rivage entre la vie et la mort que Sam perçoit entre autres choses, souvent dans ses rêves. Les échoués sont comparables à ce qu’on pourrait appeler du bas astral. Des formes résiduelles errant et cherchant à attirer les vivants dans l’au-delà. Sam étant un rapatrié, il peut prendre le risque de se faire avaler par ces entités sans mourir. Cela cause par contre une néantisation créant un cratère et l’annihilation des alentours. Ce phénomène est brillamment illustré au début du jeu. Une fois le jeu posé, le père de Metal Gear solid va développer un scénario assez tordu laissant hélas des zones d’ombre en plus d’être parfois ubuesque à travers sa trame et ses personnages. L’histoire oscille entre de vrais moments forts et d’autres parfois plus malhabiles. L’Amérique, l’autre grande figure du jeu, peine à s’illustrer et à marquer son identité. Les villes ne sont que des paysages lointains dans lesquels nous n’irons jamais et l’univers explorable se résume à quelques environnements (montagnes, chutes d’eau, zones volcaniques) misent bout à bout et on même si l’ambiance générale est immersive, d’un point de vue narratif, on n’a finalement jamais vraiment l’impression de fouler les terres du nouveau monde.

Des villes bunkérisées où vous n’irez jamais
À la reconquête de l’ouest
Se déroulant en majeure partie dans des environnements ouverts, le jeu consiste en réalité dans sa majeure partie à relier des bases afin de reconnecter les gens et recréer des liens ou assouvir un besoin vital ou consumériste, cela dépendra du client. Son système de jeu est brillant dans sa reconquête de l’ouest, via un système de livraison addictif amenant à la terraformation d’un pays dévasté et hanté par des échoués. Hélas, il est bien plus fade dans ses mécaniques de boss et d’affrontements à travers des passages scriptés très impressionnants dans leur réalisation mais peu intéressant pad en main. C’est finalement l’aspect livraison avec toute une armada de véhicules, d’équipements et un level-design varié où les éléments et la météo jouent un rôle déterminant, que le jeu est le plus amusant, addictif et prenant. La physique du jeu illustrant le poids que le personnage doit porter tout au long de ses livraisons est très bien étudiée et se gère avec un habile jeu de pression des gâchettes de la manette. Et si le début est volontairement lent et peut paraître pénible (encore que j’ai bien apprécié ce fameux chapitre 3), c’est pour mieux amener ce sentiment de liberté une fois des routes créées ou des tyroliennes installées. Un système de jeu qui couvrira 80 % de votre temps de jeu et qui n’est entaché que par des menus vraiment denses et chargés. Si vous jouez en ligne, vous pourrez faire partager vos constructions et profiter de celles des autres joueurs. Le système est globalement le même que celui instauré dans Demon’s Souls.

Les livraisons, votre quotidien dans l’aventure
Des affrontements sans saveur
Les combats contre les échoués ou les différents bandits que l’on croisera dans le jeu sont par contre beaucoup moins intéressants, répétitifs et peu inspirés. Il sera finalement plus simple, pour les échoués, de laisser apparaître les formes finales des créatures en se laissant attraper que d’essayer de retenir son souffle et se faire discret (deux éléments de gameplay). Une fois ces géants noirs en scène, quelques munitions utilisées du haut d’un rocher où Sam est quasiment intouchable auront raison de n’importe quelle menace du jeu.

Un échoué qu’il faudra abattre d’une manière ou d’une autre
Artistiquement réussi
Techniquement le jeu est vraiment très réussi que ce soit dans ses panoramas illustrant une nature sauvage et vaste, inspirée des paysages Islandais ou dans la modélisation des personnages. Le moteur Décima de Guerilla Games fait des merveilles entre les mains de Kojima Production et même si le rendu est très réaliste on retrouve la gamme colorée des Metal gear qu’on doit à Yoji Shinkawa, le directeur artistique du jeu. L’ambiance sonore est réussie surtout lors des cinématiques et des phases scénarisées. La bande-son constituée en partie de chansons mélancoliques glanées çà et là chez divers groupes musicaux, amène son lot de moments où le temps s’arrête afin de véhiculer cette solitude lors des trajets de Sam. Quelques musiques composées par Ludvig Forsell viennent quant à elles habiter les affrontements et les passages cinématographiques centraux mais l’ensemble du jeu se fait dans le licence. Logique si on veut induire un sentiment de solitude, mais dans ce jeu ou la technologie est restée très influente dans la vie des gens, l’option walkman de Metal gear solid 5 aurait été la bienvenue. Le Sound design offre quant à lui quelques moments de grâce en particulier dans les moments se passant dans divers conflits du passé comme la Première guerre mondiale.

La finesse apportée aux personnages est remarquable

Des visuels promotionnels d’une rare élégance