Xenosaga 3, le dernier volet de la saga imaginée par Tetsuya Takahashi sur les ruines de Xenogears, a la lourde tâche de conclure ce qui s’apparente à l’une des œuvres les plus énigmatiques et complexes que le jeu vidéo ai vu naître. Tant de questions sont toujours sans réponses après 2 épisodes ayant connu un succès commercial mitigé à la sortie. Au départ prévu en 6 épisodes, Bandai Namco, a décidé de raccourcir le projet. Monolith Soft se voient donc dans l’obligation de revoir le scénario afin de conclure avec ce dernier opus. Une histoire qui se répète puisque pour le créateur de Xenogears, qui avait déjà dû trancher dans le vif de son 1ier jeu à l’époque où il officiait chez Square, voit encore une fois son travail amputé et son projet de saga vidéoludique charcuté de plusieurs chapitres.
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Rythme, construction et probables inspirations
Le rythme du jeu est donc logiquement beaucoup plus soutenu et la mise en scène plus succincte qu’auparavant. Beaucoup moins de longues cinématiques filmées et riches par leur mise en scène qui laissent la place à des phases de dialogue passant par des plans d’ensemble fixes. S’y trouvent les personnages accompagnés de portraits illustrant les conversations. La majeure partie des scènes clefs disposent fort heureusement d’une mise en scène cinématographique équivalente aux précédents opus.
Aux vues de la teneur des deux premiers titres, la symbolique religieuse est plus que jamais présente dans cet épisode 3. On entrevoit, toujours à la manière d’un Evangelion, une forte influence des mythes chrétiens, thématiques du légendaire et préceptes Kabbalistique. Arche d’Abel, entités divines ayant lové leur esprit dans des robots, Jérusalem perdue et j’en passe. Tous ces éléments sont au cœur de ce Xenosaga 3 qui fait cartes sur table et conclut le scénario complexe qu’il a mis en place. La noirceur humaine et des notions très actuelles telles que le transhumanisme ou le transfert de l’esprit à travers d’autres corps de synthèse dans le but d’atteindre l’immortalité, sont toujours évoquées et font partie intégrante de la trame scénaristique complexe et profonde du titre. Le jeu soutient une vraie dureté dans son propos. Il est ponctué de scènes violentes qui sont d’ailleurs une fois de plus censurées dans la version américaine, mais qui ne font aucune concession dans la version originale Japonaise.

Manigances, concepts scientifiques et éveil des consciences
L’héroïne de la trilogie étant encore bien entourée de mystères à la fin du second volet, ce 3e épisode a pour élément central le personnage de Shion. Le moins que l’on puisse dire c’est que cette dernière a fait bien du chemin depuis le 1ier épisode. De la petite scientifique à lunettes, nous sommes passés à un personnage torturé, tenant le rôle de pierre angulaire vis-à-vis de multiples événements du script. C’est d’ailleurs par le biais d’une quinzaine d’heures de jeu et d’un 1ier DVD presque entièrement consacré à son passé, que Tetsuya Takahashi et son équipe exposent une bonne partie des éléments évoqués sous forme de flashback dans les 2 premiers opus. La seconde partie du jeu, et ce, jusqu’au dernier acte, est quant à elle tout bonnement brillante et déroule son plan narratif sans baisse de rythme. On peut néanmoins regretter que certaines questions restent floues et que certains personnages soient assez peu approfondis, mais c’était inévitable compte tenu de la décision éditoriale évoquée plus haut.
De par les titres des jeux, la référence à Nieztche est plus qu’évidente et chaque épisode invite à la réflexion sur ce qu’est l’homme. Mais le terreau d’inspiration de Xenosaga, tel qu’il est dévoilé dans toute la seconde partie de l’épisode 3, se focalise aussi énormément sur les origines et les mystères liés à la religion chrétienne. Jésus, Marie Madeleine (l’ancienne soi-disant prostitué devenue la compagne du Christ), Jérusalem céleste… De plus, on y retrouve aussi moultes références à un pan bien plus mystérieux de la religion chrétienne. Un pan lié directement à la France, l’alchimie, aux légendes et mystères tournant en autres, autour d’un certain ordre secret répondant au nom de Prieuré de Sion (une société secrète dont l’origine reste incertaine), elle-même soi-disant reliée aux Templiers, aux mystères de Rennes-le-Château et au très énigmatique Abbé Saunière.

Doutes, révélations et introspection
Sans trop en révéler, il est tout de même intéressant de préciser que, le personnage de Shion est, comme je le disais plus haut, un élément déclencheur dans les opérations mises en place par les divers antagonistes de l’histoire. La référence directe du Prieuré Sion et du personnage de Shion semble évidente, ne serait ce que par la présence de Rennes-le-Château dans le jeu. D’autant que phonétiquement Sion et Shion se prononcent de la même façon en Japonais et le nom s’écrit en 3 katakana Shi-o-n (シオン). Sion est également un autre nom que l’on donne à la ville de Jérusalem. Si la traduction américaine pour coller à la phonétique japonaise, ajoute un H, le nom original peut donc très bien renvoyer à Sion.
Ce fonds mystique, intrinsèquement lié au sud de la France et à la chaîne des Pyrénées est sensiblement le même que celui utilisé par Dan Brown et son Da Vinci Code. Imaginez qu’un ordre de templiers ait réussi à conserver le secret de l’origine du Christ, de Marie Madeleine et d’un savoir permettant de se lier au divin, et ce, jusqu’à une époque très lointaine dans notre futur. Une époque où l’homme a quitté la Terre, découvrant par la même occasion qu’il était seul dans l’univers après l’avoir colonisé. Voilà un peu l’ambition narrative de Xenosaga III. Un matériau captivant qu’il appelle vivement à aller au-delà du jeu pour se plonger dans les multiples sujets qu’il évoque. La trilogie Xenosaga n’est que le tronc d’un arbre ouvrant une ramure quasi infinie de thématiques de recherches, de découvertes et de connaissances sur notre histoire et sur ce que nous les hommes, avons été, ce que nous sommes et ce que nous pourrions devenir.

Shion, la clef de voute de l’intrigue de Xenosaga 3
Technique, Game design et système de jeu
Visuellement, Xenosaga 3 est encore plus fin et élégant que le second épisode et profite de l’expertise du studio sur une PS2 au crépuscule de sa vie à l’été 2006. Les personnages ont encore été améliorés et ont évolué esthétiquement, ce qui rend le gap temporel d’un an amené par l’histoire, encore plus crédible. Le meca-design toujours plus ingénieux fait la part belle à de nombreux boss impressionnants amenant d’âpres combats et les décors variés se laissent aller à quelques fulgurances esthétiques.
Les combats de Xenosaga 3 conservent un système de type tour par tour, mais laissent au placard le principe de bouton d’action pour un classique menu : attaque – magie – item – attaques spéciales. Le tout est construit sur une base de personnages orientés vers des rôles particuliers : Magiciens, Tank, Samouraï, Dps… Une barre indiquant l’ordre d’attaque est présente et permet d’influer sur l’ordre d’action établi via des attaques break capables d’étourdir les ennemis. Le jeu se ponctue de combats avec les personnages et d’autres à bord des robots.
Les affrontements en robots disposant de moins de diversité en matière d’option d’attaque, peuvent s’avérer répétitifs, la faute à des boss tenant parfois le rôle de bon gros sac à PV. (C’était déjà le cas dans les anciens épisodes). De plus certaines attaques dévastatrices peuvent aboutir sur un Game Over après de longues minutes de bataille. Les affrontements à pied accueillent dans leur système, une jauge de Boost qui est utilisable, soit pour rejouer un tour avec un personnage, soit pour utiliser une attaque spéciale. Cette option est un élément tactique central du système.

Au sol ou à bord de vos robots, les boss sont légion dans Xenosaga 3
L’exploration est toujours assez linéaire puisque très narrative, mais Xenosaga 3 est plus digeste à jouer que ses aînés, en partie grâce à des donjons offrant une part de recherche, quelques énigmes et un DVD 1 amenant même une liberté relative via l’exploration des villes reliées, à des environnements extérieurs. Le second DVD lui se résume à une longue ligne droite narrative passionnante où certes, l’on achète nos items directement au point de sauvegarde, mais qui accumule les révélations les unes après les autres, pour prendre la forme d’un quasi boss-mode dans le dernier tiers du jeu, tant ces derniers sont nombreux. C’est une série de longs combats qui demanderont une dose certaine de die n retry, d’apprentissage, un peu de chance et surtout quelques bonnes sessions de farming, afin de récupérer assez d’argent pour augmenter vos équipements, sans quoi c’est la mort assurée à chaque duel.

Les environnements sont originaux et soignés
La bande-son toujours signée Yuki Kajiura est superbe. On y retrouve globalement l’esprit de l’épisode 2. Des thèmes à l’identité forte viennent habiter l’aventure et les divers environnements de ce Xenosaga 3. Cependant le score plus discret que dans les anciens épisodes et il est même dommage que certaines scènes cinématiques, par absence de musique pertinente, manquent un peu de force. Vers la fin du jeu, les mélodies adoptent une étonnante tonalité christique et vont puiser avec brio dans les chants grégoriens, afin d’illustrer au mieux le final d’une fresque profondément hantée par des thématiques religieuses chrétiennes et kabbalistiques.
Xenosaga 3, l’ultime chapitre de la saga sidéral de Monolith Soft avait la lourde tâche de conclure et il y parvient fort bien, mais non sans concessions, puisqu’il lui a fallu bourrer au chausse-pied, à cause d’évidentes coupures de budget et au détriment du panache de sa mise en scène, un scénario prévu pour tenir au moins sur 2 voire 3 jeux supplémentaires. Monolith relègue ainsi des pans entiers de scénario dans une base de données accessible depuis le menu, et qui résument textuellement des évènements passés qui étaient pour certains, majeurs dans la trame générale.

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