Un jour de 1986
Jouer à Dragon Quest premier du nom c’est plonger dans un morceau de l’histoire vidéoludique. Bien évidemment aujourd’hui, ce titre n’a plus le même intérêt ludique qu’a sa sortie. Cependant il n’en reste pas moins que le 27 mai 1986, ce fut le déclencheur d’un phénomène de société au Japon, qui connut sa plus grosse effervescence à la fin des années 80, en plus d’avoir été le titre qui démocratisa le genre du Jrpg. Yuji Horii son créateur, voulait au départ raconter des histoires et créer des mangas, mais il créa finalement une série qui connut un succès tel, qu’elle est toujours appréciée et renommée 35 ans après. Retour le temps de quelques paragraphes, sur ce jeu très spécial, sa localisation américaine sortie également en 1986 et également sur sa très jolie réédition Super Famicom sortie elle, le 18 décembre 1993. Par ailleurs Dragon Quest connaîtra quelques portages plus ou moins maladroits de sa version originale. Un sur MSX, inférieur à la Famicom et un autre sur le support Sharp X68000. Par la suite plusieurs éditions verront le jour comme les portages Game Boy Color ou téléphone portable. Ces derniers ne présentent qu’un intérêt réduit de par leur qualité visuel et ne seront donc pas abordés dans cet article, qui préfère en rester aux itérations Famicom et Super Famicom.
Akira Toriyama donne un visage à Dragon Quest
Afin d’obtenir pour Dragon Quest une identité visuelle forte, il fit appel à un dessinateur pour mettre son jeu en images : Akira Toriyama. Ce dernier apporta son talent dans la création de petits monstres loufoques et très reconnaissables, malgré les limitations techniques de l’époque. Ces petites créatures, au fil des épisodes, deviendront le faire valoir et la marque de la série, avec pour ambassadeur le célèbre Slime. Petit être bleu souriant constitué de glu et aujourd’hui mascotte incontournable de Dragon Quest. Le dessinateur travaillait depuis 2 ans sur ce qui allait devenir une œuvre mondialement connue : Dragon Ball, et malgré des limitations techniques évidentes, puisque nous sommes sur Famicom, sa participation eut un réel impact sur le jeu. La jaquette Famicom et bien sûr le bestiaire, possède donc sa patte inimitable et encore très proche à cette époque, des dessins assez ronds des premiers Dragon Ball. De plus, le seul et unique décor de combat, ressemble beaucoup aux lieux que traversent Son Goku et Bulma au début de leurs aventures. Akira Toriyama en 1986 était en passe de devenir le mangaka le plus célèbre du monde, et son dessin au style reconnaissable entre milles faisait rêver. À une époque du jeu vidéo où la majorité de l’univers visuel passait par la jaquette et les manuels de jeu le choix fut si pertinent que Dragon Quest devint aussi important dans la carrière du dessinateur que les aventures de Son Goku.
Sur la tombe du chevalier Roto
Le jeu débute avec une quête aujourd’hui emblématique. Quelque part, on peut même s’aventure à dire que c’est de cette quête que symboliquement démarre la grande aventure du Jrpg. Une quête, où armé d’une simple torche, vous devez aller vous recueillir sur la tombe de votre ancêtre : le chevalier Roto. Figure illustre du passé, ce héros des temps jadis parvint autrefois à repousser un mal qui aujourd’hui refait surface. Simple dans l’exécution et dans ses mécaniques d’attaque et magie, Dragon Quest reste néanmoins un jeu captivant à étudier. Il s’en dégage une réelle simplicité qui pousse à l’imaginaire. Ce sentiment, on le doit au compositeur du jeu Koichi Sugiyama. Jusqu’alors, ce dernier avait surtout réalisé des bandes-son pour la télévision et les séries animées telles que Cyborg 009, inspirés du manga de l’illustre Shotaro Ichinomori. Détail amusant, Dragon Quest n’est cependant pas le premier jeu Enix sur lequel Koichi Sugiyama travaille, puisque avant, on le retrouve sur World Golf en 1985, et en 1986 sur Wingman 2: Kītakurā no Fukkatsu, adaptation sur MSX du premier manga de Masakasu Katsura, un des amis proches d’Akira Toriyama. Et là vous me direz, la boucle est bouclée.

Artwork du héros devant la tombe de son aïeul
La menace du roi du mal sur le monde
En 1986, Il va de soi que la Famicom ne proposait pas de grandes possibilités sonores, cependant Enix, parvint avec brio à utiliser le processeur de la machine, pour ressortir au mieux les quelques mélodies aujourd’hui mythiques qui habillent le jeu. Des mélodies qui sonnent, une fois réadaptées en symphonique, comme des bandes-son de cinéma tout à fait adaptées au style des vieux films de cape et d’épée, ou encore les premiers longs métrages de Walt Disney. Autrement dit des mélodies sophistiquées et tout bonnement superbes et qui deviendront au fil des épisodes une des marques de fabrique de Dragon Quest.
Un autre élément à signaler concernant cette fois la structure du jeu, c’est la visibilité de demeure du boss final dès le début du jeu. Ainsi le sentiment de menace plane sur le héros dès le début de l’aventure, et la seule chose séparant le mal de notre chevalier sont un bien mince bras de mer. Ce sentiment de présence du malin, planant sur le monde, on le retrouvera dans d’autres épisodes tels que Dragon Quest XI et cela deviendra aussi quelque chose de récurrent dans bien des J-RPG par la suite à commencer par Final Fantasy VII et son célèbre météore rougeoyant et menaçant de s’écraser sur la planète. Cet élément, même s’il est simpliste, dans le contexte d’un jeu sur console 8 bit, a son rôle à jouer pour l’imagination du joueur. Effectivement dans un jeu de plateforme, l’ennemi peu s’inviter dès le premier niveau. Dans un RPG aussi limité par les contraintes techniques imposées par son époque il fallait créer cette idée de menace.

Un objet désiré enfin débloqué à gauche – Face au roi du mal à droite (Screenshots Super Famicom)
Mots de passe et level up
L’aventure qui nous est contée plafonne la dizaine d’heures sur la machine originale et un peu moins dans le remake Super Famicom, sur lequel nous reviendrons un peu plus bas. Durant ces dix heures, vous allez arpenter assez librement le monde et évoluer lors du combat au tour par tour en vue à la première personne. Ces affrontements simples dans leur conception restent efficaces et son le coeur du gameplay et ce, jusqu’à l’affrontement final contre le roi du Mal. Au même titre que Zelda 1, il est assez fréquent de voir Dragon Quest cité comme un des premiers jeux à monde ouvert, ce qui n’est pas totalement faux par ailleurs. Toute proportion gardée bien évidemment… Le jeu dispose de quelques localités et personnages avec qui discuter, mais ne dévoile que très peu la marche à suivre. Le cœur du jeu se constitue par la recherche d’items parfois très bien cachés mais indispensable la progression et bien sur, par la montée en niveau du personnage. L’épopée ne propose pas réellement de moments narratifs tels qu’on peut les trouver dans des productions plus modernes mais disperse quelques indices suffisant pour permettre d’avancer dans le voyage. La cartouche ne disposant pas de moyen de sauvegarder, vous devez utiliser des passwords pour mettre l’aventure en pause.

On discute un peu et on se bat beaucoup dans Dragon Quest (Screenshots version Nes)
Dragon Warrior, une version améliorée pour l’Amérique
Bien que rudimentaire, Enix a fait en sorte de donner de la vie à son jeu. Avec un joli décor de combat, mais aussi en faisant se déplacer les personnages des villages. Personnages, à qui vous pouvez parler par l’intermédiaire du menu. Cette interface est repensée pour la version américaine du jeu, puisqu’elle offre quelques facilités d’interactivité, mais également graphiques. Le jeu est rebaptisé Dragon Warrior pour le marché américain, probablement et comme souvent, dans le but de donner au public occidental, une dimension plus guerrière qu’initiatique. On se souviendra par exemple de l’adaptation américaine de 1991 de «Nausicaä et la vallée du vent», rebaptisée pour l’occasion « La princesse des étoiles » et qui fut allégée de toutes les parties philosophiques afin d’en faire un film plus action.
Dragon Warrior fut adapté par Satoru Iwata, (l’ancien PDG de Nintendo). Disposant de plus de place sur la cartouche, le programmeur décide donc de changer la navigation des menus mais refait aussi les sprites des personnages, du jeu dont celui du héros. Il ajoute aussi l’élément graphique du rivage afin d’atténuer la cassure entre la terre et la mer. De cette sortie officielle sur la Nes, s’ensuivront les 3 autres épisodes. Et si vous désirez en avoir plus sur la partie dédiée au développement de Dragon Quest et de Dragon Warrior, je vous renvoie à la très complète vidéo d’Upsilandre sur le sujet : Dragon Quest, Un défi technique ?

Version Nes américaine à gauche et la version Famicom japonaise à droite, on voit clairement la différence sur le bord de mer.
Un retour coloré sur Super Famicom
La version Nes/Famicom étant aujourd’hui plutôt austère et difficile, la meilleure façon de se replonger dans Dragon Quest, est de s’y lancer par le biais de la version Super Famicom (disposant d’une fan-trad anglaise de qualité). Totalement refait, le jeu est vendu au Japon avec le second épisode sur une seule cartouche. Il est bien plus beau, coloré et dispose de plusieurs décors de combat en fonction, de la topographie du lieu où vous vous trouvez. Enix revoit également pour cette mouture, son barème de points d’expérience à la baisse. Ce choix vous évite donc les quelques heures de combats aléatoires soporifiques mais indispensables, pour obtenir les niveaux suffisants vous permettant d’avancer dans l’aventure. La bande son fait elle aussi peau neuve et la navigation est plus intuitive. Sans aucun doute, cette version est idéale, puisqu’elle offre une expérience rétro sympathique et surtout abordable, permettant de fait, de se plonger dans ce vestige qu’est Dragon Quest et par la même occasion, dans une époque lointaine du jeu vidéo où tout était entrain de se mettre en place.

Du joli Pixel art sur Super Famicom pour Dragon Quest avec quelques effets de lumières
Dragon Quest est donc un jeu clef, duquel découlera le genre Jrpg, imaginé par 3 pères fondateurs, qui auront porté leur création jusque sur les consoles les plus modernes tels que la PS4. C’est aussi un jeu amenant pour son époque, une véritable liberté, puisqu’il se positionne dès 1986, comme une sorte d’open world avant l’heure. Il est en effet techniquement possible d’aller partout sur la carte dès le début, même si les monstres rencontrés sur votre route, risquent de vous mettre en défauts. Dans cette dizaine d’heures d’aventure, vous traverserez quelques localités et donjons, résoudrez quelques énigmes, vous battrez au tour par tour avec une attaque et quelques magies qui deviendront des incontournables de la série et enfin, vous ferez plier le roi du mal pour ainsi rentrer dans la légende au même titre que votre illustre ancêtre, le chevalier Roto.