Nous avons tous une attirance pour un genre, un style ou une vision du jeu vidéo. Et de fil en aiguille se forge le goût plus prononcé pour l’approche occidentale, orientale, asiatique ou… Enfin, nous allons vous épargner un tour du monde virtuel ! Pourtant, il faut reconnaître qu’au Japon, nous autres alternons entre fascination, incompréhension, étonnement profond et malaise. Et ce n’est pas ce Blue Reflection : Second Light de Gust qui nous fera dire le contraire. Pour ceux qui l’ignorent, le studio est à l’origine de l’intemporelle saga Atelier qui brille auprès d’une caste de convertis de manière toujours aussi puissante. Force est de reconnaître que les opus fourmillent d’idées et qu’il est impressionnant de découvrir un renouveau perpétuel, là où d’autres suites à rallonge se morfondent dans la confusion et la répétition. Bien sûr, et comme de coutume serions-nous tentés de vous dire, il aura fallu attendre des plombes avant de voir les produits sortir en dehors des frontières d’origine.
Un message un tantinet cliché qui colle parfaitement à la réalité et qui explique que la cible est réduite à celle dite “de niche” même si elle semble grossir au fur et à mesure que nous vieillissons, comme en témoignent les efforts opérés pour les conversions. Une fois ce lourd tribut digéré, impossible de passer à côté de notre sujet : oui, une nouvelle fois, ce sera spécial. Pour le meilleur et pour le pire, autant vous avertir de suite. Le haut du panier tient dans certains concepts développés qui parviennent à faire mouche tandis que le sous-sol se révèle dérangeant et, franchement, loin d’être indispensable. Le spectre de l’insipide, peut-être…
Toujours est-il qu’il faudra prendre l’ensemble de ces critères pour le baromètre de l’appréciation du titre, c’est une certitude. Suite d’un premier J-RPG passé quelque peu sous les radars, voilà une œuvre étrange qui se dresse devant nous avec une ambition débordante sous des airs de jeune prude. C’est là que coexistent paradoxe et volonté maquillée. En s’accrochant à l’espoir de réussite totale quoique hautement improbable. Bref : il est temps pour nous de livrer notre verdict ! Sans concession, cela va de soi, mais avec une sensation inqualifiable pour ne pas dire incommodante par moments. Une expérience ? Assurément !

Déjà vu ? Oui.
I Gust the Blue
Que les choses soient claires dès les premiers instants : si la mise en scène et le jeu d’acteur “made in Japan” (comprendre par-là « avec toutes les exagérations héritées du kawaii ») saupoudrés de “girl power” mièvre vous exaspèrent, sauvez-vous et reprenez une activité normale ! Tout y passe : les expressions faciales, les onomatopées entendues 1000 fois ailleurs et tutti quanti. La totale, le truc repérable à des kilomètres à la ronde. En gros, rien n’est fait pour que vous puissiez ressentir cela comme une invitation car Blue Reflection : Second Light ne cherche pas à mentir. Les codes sont installés et sont destinés à ceux qui y sont déjà réceptifs.
Cela se traduit dans le scénario où des demoiselles très (trop) jeunes se retrouvent dans une école coupée de tout avec la classique amnésie qui offre toujours cette facilité scénaristique. Et nous pouvons tomber le masque de suite : l’histoire n’est vraiment pas folichonne. Bien sûr, nous nous demandons de temps à autre ce que Ao et sa clique foutent là et la pirouette, rapidement exposée, reste efficace. Cependant, en dépit de thèmes qui pourraient être forts, cela semble niais . La faute revient à la façon de conter les événements malgré quelques séquences plus poignantes.

Il faudra vous y habituer…
Toutefois, la sauce ne monte jamais selon nous et ce en raison de dialogues bien trop nombreux et parfois franchement futiles. Le tout traduit uniquement en anglais pour les sous-titres même si le niveau requis est abordable. En revanche, vous profiterez de doublages fortement convaincants à condition, comme nous le disions, de supporter l’ensemble des poncifs du genre J-RPG, accentués dans cet opus.
Il faudra donc surmonter le rythme globalement lent et cette inertie parfois pénible. Cela est tout de même contrebalancé par un montage réussi où chaque plan semble être à sa place et il va sans dire que cela allège nos regrets. Enfin presque car il faut se l’avouer : voir les fesses d’adolescentes filmées de près est troublant, dans le mauvais sens du terme. Un trip de l’écolière qui est vraiment incompréhensible et, fort heureusement, cela ne déborde pas trop durant l’aventure.

Là, c’est déjà plus raisonnable !
Space Girls
Il nous est cependant impossible de considérer ce tableau comme bénéfique. Pas de suggestif crétin mais finalement, nous nous rendons compte qu’un gouffre existe avec ceux qui présentent ces choses-là sans sourciller. Déjà petits, cela n’était pas idoine. Et désormais, comme nous avons pris quelques rides et quelques kilos…autant vous dire que cela ne nous convient toujours pas !
Et nous parlions d’oxymore : nous y voici ! Car au-delà de la critique acerbe qui est la nôtre lorsque nous évoquons ce simili-fantasme se dresse une direction artistique qui en jette. Car, passé ces écueils vraiment biscornus, nous découvrons un chara-design soigné et un bestiaire vraiment réussi. Le panel des couleurs et des contrastes est sublime et les environnements disposent d’une architecture cohérente. De ce point de vue, Blue Reflection : Second Light affiche une maîtrise sans faille.

De mauvais goût…
Pourtant, tout cela est amoindri par une technique à la ramasse, du moins sur la version Switch qui fut le support de notre test. C’est aliasé comme ce n’est pas permis, les textures affichent un temps de retard et les ombres sont tout simplement affreuses. Alors d’accord, si vous êtes happé par l’immersion, cela ne devrait pas poser trop de souci. D’autant plus que la stabilité est de mise, même en passant en mode portable. Aucun bug majeur sous le soleil ! Evidemment, nous reprochons un temps de chargement initial vraiment long et des effets de flou loupés mais nous vous devons l’honnêteté : cela reste lisible et la profondeur de champ est appréciable.
Les menus font aussi le job, en sublimant le tout avec des illustrations travaillées. Le bilan est donc correct même si nous préférons le style de Sakura Wars, plus sobre et plus sain. On remarquera aussi les espaces régulés lors des combats (nous reviendrons bien sûr sur ces derniers) et finalement, malgré quelques aspects qui font penser à la gen précédente, nous notons une intelligence dans la conception du monde voulu par les créateurs.

Un système qui est bien dynamique et lisible (image tirée de la version PS4, à titre de comparaison)
Asses to asses, Gust to Gust
Nous relevons également une OST succulente, tant elle suit les événements avec parcimonie. Souvent calme, parfois discrète, la partition élève le ton lorsqu’il le faut, nous proposant une homogénéité appréciable sans être redondante. Cela adoucit quelque peu les mœurs tout en prouvant que Blue Reflection : Second Light cherche à franchir une marche par rapport à son prédécesseur pour s’imposer en tant que RPG underground sur lequel il faut compter.
En ce sens, impossible de donner tort à Gust : oui, les petits plats ont été mis dans les grands tout en rappelant énormément Atelier, bien plus que Persona comme cela a peut-être été trop rapidement évoqué. Certes, le jeu se décline en différentes étapes interdépendantes qui vous procurent une sensation de vie et où les interactions sont capitales pour se sortir de ce bourbier car, finalement, cela constitue l’objectif des filles.

Un trip… spécial.
C’est pour cela que vous devrez livrer une grande importance à la partie « visual novel » qui vous permettra d’améliorer le niveau de relation envers votre groupe. Pourquoi ? Car cela offre un véritable boost pour les diverses statistiques ainsi que de nouvelles compétences, voire même des buffs bien plus efficaces. Beaucoup de choses passeront donc par les dialogues, souvent à rallonge comme nous le disions, et les autres “types” de rencontres, comme notamment les “dates” qui vous donneront accès à des scènes supplémentaires.
Voilà le pivot des améliorations, où les “fragments” obtenus grâce aux contacts vous permettront d’orienter le build de chaque héroïne. Elles ont d’ailleurs toutes une grande diversité de manœuvre même si, pour un premier run, il est particulièrement difficile d’entrevoir le chemin et l’aboutissement des possibilités. Probablement est-ce dû à des avancées pas toujours limpides. En outre, pour le coup, il s’agit juste du sens du détail puisque le tout est équilibré, vous épargnant le farming à outrance. Pourtant, la durée de vie est solide et avoisine les 40 heures, sans trop se presser. Ce qui n’est pas le but du genre, vous en conviendrez !

Le gang des « keupines » !
Another one bites the Gust
Qui dit J-RPG dit exploration et Blue Reflection : Second Light ne cherche pas à complexifier ce qui ne nécessite pas de l’être. Vous éviterez l’abus de marche, les zones n’étant pas immenses et, finalement, tout reste guidé. De plus, les raccourcis sont efficients ! La carte s’avère salvatrice et, en y regardant de plus près, on s’aperçoit, avec une pointe de déception, que nous traversons beaucoup de couloirs, plus ou moins camouflés. C’est un choix du studio qui désire probablement maîtriser le rythme de sa narration et cela fonctionne correctement malgré les limites imposées. On s’y fait à la longue ; néanmoins, une semi-ouverture nous aurait fait prendre un bien meilleur bol d’air !
Nous n’oublions pas non plus le hub, plutôt bien pensé. C’est ici que vous allez décorer votre “lieu de vie” et cela ne sert pas qu’à être trop choupi. L’utilité est d’ordre public : enjoliver, c’est obtenir des consommables ou des bonus qui vous serviront lors des affrontements et il faut avouer que l’idée est satisfaisante, malgré une certaine légèreté du procédé en comparaison à d’autres propositions dans le J-RPG. Vous trouverez aussi de quoi faire avec les quêtes annexes, pas forcément bien écrites mais présentes.

Niveau des illustrations, on ne peut rien dire…
Et alors, ce système de combat ? Le tour par tour “classique” est abandonné pour désormais laisser place nette à un mode plus punchy, où 3 filles (et une en soutien) utilisent leurs compétences qui consomment des points d’éther. Ceux-ci se rechargent selon une ligne que vous observerez en bas de l’écran. Pour accélérer le processus et obtenir des gains, il faudra jouer du combo ! Puis, une fois un palier atteint, vous changez de “gear” pour jouir d’un panel de compétences plus large.
Une fois le niveau 3 enclenché, vous passerez en “Reflector”, une espèce de transe qui augmente votre puissance ! Compliqué ? Pas vraiment in-game et il faut avouer que cela est pertinent. On utilise des objets, on planifie les coups en usant également du break… du classique toutefois très plaisant, et le fait d’avoir un 4ème personnage en retrait apporte un plus, que ce soit pour les consommables ou le remplacement ! Par contre, on ne parlera pas vraiment d’équipement ici mais cela est justifié par le cœur du jeu.

Magical Girls !
Midi net
Si tout semble simpliste dans le principe, la stratégie est essentielle au sens où il faudra exploiter les faiblesses des ennemis et éviter de se heurter aux résistances. Pour cela, il sera crucial de trouver les bonnes combinaisons d’équipe. Cela influe sur le combat et il faudra faire preuve de finesse et de tactique pour éviter de se retrouver dans la panade. Et pour prendre l’avantage, notamment pour stun l’ennemi et donc faciliter son approche ! Pourtant, une petite frustration pointe le bout de son museau lorsque le gamer comprend que Blue Reflection : Second Light est extrêmement facile, ce qui laisse peu de marge à l’apprentissage en profondeur de son gameplay.
Idem pour la feature du jeu qui consiste à vous opposer en duel face à des monstres plus puissants. Effectivement, nous vantons la prise de risque, à savoir une orientation encore plus dynamique qui vous demande d’appuyer sur les boutons pour attaquer, esquiver ou encore contrer. L’effort novateur est certes sympathique et permet de changer la donne, offrant un souffle un peu plus épique.

On réitère : les combats sont bien foutus!
Mais l’introduction de cette mécanique est trop rare pour être vraiment performante car elle est bien trop dispersée. Bien sûr, ne crachons pas dans la soupe : l’effort est là et brise la monotonie qui pourrait s’installer, quand bien même le système “de base” est un concentré de bonnes choses. Cela reste juste un poil dispensable. Toutefois, l’action n’en est que renforcée !
C’est donc là que se situe la principale tare de la production de Gust : l’excellent côtoie le passable et surtout le mauvais. Une bonne acquisition pour le fond qui se détache complètement de la forme, catastrophique à ses heures. En faisant abstraction de ce dernier point, qui possède néanmoins dans sa manche quelques atouts, il se peut que vous puissiez trouver votre bonheur.
Un adepte de l’alchimie sera bien moins débonnaire…