La farce est universelle et le constat reste le même : on ne fait pas que jouer au jeu vidéo. Celui-ci s’amuse également avec nous. Parfois, la route est un contresens. La baffe de l’introduction encaissée, il est temps de redescendre sur terre, l’attraction étant trop forte. La production rentre dans le rang, jusqu’au moment où elle frôle le banal qui devient une drogue à l’accoutumance dans le cosmos vidéoludique. Rythme inégal, scènes héroïques boycottées, remplissage bourratif : l’horizon ne bénéficie que de rares éclaircies, faiblardes de surcroît. Quel est donc le rapport avec Chorus, le dernier-né de la team DS Fishlabs ? Heureusement peu de choses, tant la production brise certains codes figés. Pour une meilleure trajectoire ?
Cela reste à voir et, après tout nous direz-vous, nous sommes là pour ça ! Il faut aussi avouer que le postulat de départ est plutôt…surprenant. Nous sommes face à un Shoot’Em’Up, certes, mais un Shmup narratif. 2 ambitions qui ne demandent qu’à être en symbiose (en osmose même !) afin d’affronter un sacré défi. Et comme nous le savons tous, le challenge est, au minimum, corsé ! Les 2 styles nécessitent une terrible exigence et fusionner le tout, c’est se condamner à un travail méticuleux, spartiate et précis. Une forme de sacerdoce ponctué d’une pointe d’ambition sans limite. Cela dit, nous ne serions qu’en phase avec le thème : dans l’espace infini, personne ne vous entend crier…
Bref ! Trêve de bavardage(s) habile(s) se moquant de la galéjade et de la turpitude. Les commandes n’attendent que vous pour vous envoler vers un futur loin d’être reluisant, où la folie atteint son paroxysme. Comme quoi, nous avons encore une certaine marge. Limitée, on vous l’accorde. Rejoignez notre escadron, l’heure de l’assaut est venue. L’œil vif, les sens affûtés et l’envie d’en découdre : notre destin nous attend là-bas, au fond de l’obscurité éternelle…

Quand le passé vous poursuit…
Une bonne grosse histoire de culte
Puisque l’ambition haut de gamme consiste à vous raconter une fable, autant que celle-ci soit réussie. Sombre, Chorus vous emmène dans une société dominée par un dogme où le Cercle s’étend pour semer la purification. De là s’enchaînent beaucoup de réflexions mystiques où certains dons sont octroyés à des êtres exceptionnels. Un chouïa de mensonges, un peu de double-discours et un ennemi plus souvent évoqué que palpable : voilà ce que nous propose le scénario.
Au milieu de cette cacophonie de l’espace, notre héroïne, Nara, a tourné le dos à cette secte destructrice, s’éloignant du Grand Prophète et de son projet proche de l’annihilation. Sur le papier, cela ne fait pas rêver mais il faut bien admettre une chose : le récit est suffisamment bien ficelé pour tenir en haleine le public. Peut-être que le lexique occulte aura tendance à en lasser plus d’un ; en outre, dans l’ensemble, l’intérêt reste présent et la trame s’épaissit au fur et à mesure avec quelques personnages inspirés et bien écrits. Avec le recul, on se rend compte que le classique prédomine. S’en fiche-t-on ? Exactement car cela fait son office et, en toute franchise, le problème ne se situe pas là.

Choisissez vos prises de vue !
En effet, la mise en scène est un point faible. Les séquences sont de temps à autre mal cadrées, d’une lenteur abyssale et trop hachées pour s’investir totalement. Chorus se veut également particulièrement verbeux. Lors des différents dialogues, cela ne constitue pas une véritable tare mais lorsque Nara décide de nous faire profiter de ses pensées, le temps se gâte. Cela arrive bien trop souvent et finalement, nous sentons qu’on cherche à nous prouver à tout prix à quel point celle-ci est torturée, tiraillée entre la justice, les remords, la vengeance et toutes les émotions possibles dans un tel guêpier.
Nous tenons d’ailleurs cela pour responsable d’un manque d’humour flagrant qui aurait bien été salvateur. Fort heureusement, le dernier tiers se veut plus dense et épique, balayant l’impression de mollesse générale. A ce moment, le potentiel est exploité et la réussite narrative intervient, fâcheusement tardivement. Relevons tout de même ce virage qui fait le plus grand bien, apportant un second souffle à ce qui semblait être en bout de course !
Un avantage pris dans le money-time pour notre plus grand plaisir.

Quelques séquences plus intenses.
Nara qui rit
La relation avec le vaisseau, doté d’une forme de vie, était une promesse alléchante. Dès lors, les fantasmes liés à Zone of The Enders, que l’on croyait enfouis, se jettent sur nous avec autant d’affection que de virulence. Des souvenirs en pagaille qui nous rappellent qu’atteindre un tel nirvana n’est pas chose aisée. Le bilan ? Positif ! Forsaken, votre navire volant, offre une véritable bouffée d’oxygène qui apporte un réel gain. Cela envoie Nara dans les cordes, elle qui retrouve toutefois du peps grâce à lui, finissant l’exercice en demi-teinte.
L’augmentation de la puissance se ressent au-delà de la manette et impossible de nier l’évidence : le rythme de croisière ne redescend plus. A aucun moment. C’est en ce sens qu’il vous faudra persévérer, notamment dès le début en raison d’une introduction poussive à souhait, aussi bien dans le gameplay que dans la narration. En clair, la majestuosité se fait attendre et, par bonheur, elle se manifeste à de multiples reprises. Et si nous sommes si durs avec l’orchestration de l’histoire, c’est que tout ce qui en découle est absolument incroyable.

Une héroïne qui ne restera qu’au stade de « haut potentiel ».
Rien que pour sa direction artistique, Chorus est une perle qu’il est impératif d’essayer. Du choix des couleurs, absolument divines, à la sensation de vide, tout est magnifiquement retranscrit à l’écran. Les jeux de lumière ne sont pas en reste et l’immersion est de mise. On en regretterait presque l’impossibilité de passer en vue FPS. Cependant, les développeurs ont pensé à tout et le mode photo fera le bonheur de chacun tant celui-ci est facile à utiliser, disposant de filtres fabuleux qui enrichissent la partie visuelle selon votre calibrage. Voilà pourquoi la plupart des captures de ce test proviennent de celui-ci jeunes aventuriers !
Mais encore ? Vous aurez droit à un fourmillement de “tableaux”, plus ou moins en bon état, avec des planètes à perte de vue ou des milliers d’étoiles qui vous font réaliser à quel point chaque individu est petit au milieu de cette immensité spatiale. De plus, la technique est à la hauteur. Notamment sur PS5 où la beauté est à couper le souffle, quand bien même vous privilégiez le mode “performance” (fluidité) au détriment de la résolution. Que tout le monde se rassure ! Pour avoir vu les versions de la désormais old-gen, nous pouvons certifier que le rendu est tout à fait honorable.

Juste magnifique !
Chorus, quand ?
L’hommage aux architectures est grandiose, sachant qu’un autre avantage savant se distingue : malgré un cadre que nous aurions pu craindre monotone, Chorus parvient à varier les environnements en conservant une ambiance toujours homogène, aussi calme que anxiogène, pesante que vibrante, fascinante que déconcertante. Un sans-faute qui ne dépareille pas avec la grande majorité du chara-design, le plus souvent mis en avant lors des discussions.
Bien sûr, on pourrait nous reprocher de nous acharner…car oui, le personnage de Nara pose encore problème. Si sa stature a tendance à rassurer en artwork, son rendu in-game est tristounet et ses animations sont bien trop restreintes, à l’image de son visage presque inflexible. La claque des environnements ne peut qu’alourdir ce lourd tribut. Alors évidemment, nous avons bien conscience que cela ne constitue pas l’essentiel. Néanmoins, ne pas le souligner serait une terrible vacherie puisque quitte à être esthète, autant le faire jusqu’au bout.

Moins sexy que sur les illustrations…
Concernant l’accompagnement sonore, la réussite est également de la partie. Fort d’un doublage convaincant et tout en nuances, ce dernier est dosé avec parcimonie. Cela sort des tripes et, nonobstant nos critiques sur les nombreuses pensées et prises de parole de la protagoniste principale, la conviction du phrasé est indéniable. Les bruitages ne sont pas en reste et les sensations de tirs sont vraiment bonnes. Tout juste aurions-nous aimé des explosions un peu plus pétaradantes. Comme de coutume, il s’agit d’être pointilleux. Vous le savez : dans ce cas-là, c’est toujours bon signe !
Enfin, l’OST est remarquable quoiqu’un peu trop discrète. Peut-être est-ce le mixage qui couvre les notes. En tout cas, la justesse sublime l’atmosphère qui devient un art de dévoiler sans parler avec l’envie de nous faire ressentir le froid de la contemplation, le malheur du souvenir, l’incertitude de l’avenir ou encore la peur du futur. L’écran-titre vous donnera par ailleurs un aperçu très précis de ce qui vous attend. Curieusement, et même si les 2 compositions sont très éloignées l’une de l’autre, nous avons effleuré les mêmes impressions que lors de nos sessions sur Remnant : From the Ashes.
C’est ainsi que nous pouvons l’affirmer : l’alchimie sera toujours supérieure aux talents épars.

La vengeance et ses nombreuses conséquences.
Les hacks : tu connais Nara !
Qui dit “shoot” dit jouabilité sans faille. Cet aspect est particulièrement surprenant dans Chorus et il faudra un temps d’adaptation avant de réellement saisir les subtilités de la production. De prime abord, l’incipit est à l’image du scénario : inquiétant. Les premiers combats sont juste fades, longs et sans intérêt. Sans doute que le procédé est utilisé pour mieux faire resplendir les capacités de Forsaken mais force est de constater que les prémices à bord de votre tacot sont laborieux. On se console vite grâce à quelques variations, comme cette possibilité de contrôler des croiseurs qui avancent au ralenti mais qui disposent d’une puissance de feu non négligeable et…c’est tout. Impossible de réellement prendre à revers l’adversaire, si ce n’est en le poursuivant durant de longues secondes en le canardant.
Il faut dire aussi qu’il faut de suite saisir le fonctionnement entre la poussée, l’accélération et l’équivalent de l’hyper. Une fois cela acquis, et après quelques phases peu reluisantes, vous découvrirez enfin votre compagnon de route. Chorus prend son envol (allez restez, on se marre bien) à cet instant précis, passant du Shmup à son pépère à de l’arcade plus nerveuse tout en s’éloignant des standards du genre.

Des rencontres intenses !
Ainsi, Nara dispose de pouvoirs. Le premier d’entre eux, “le rite des sens”, vous permet de repérer des objets cachés, comme des crédits et des “trésors”, ou des souvenirs qui épaississent le lore. Toutefois, l’aventure démarre vraiment lorsque vous obtenez la possibilité de la “transe de dérive” et le “rite de la chasse”. Le premier est une sorte de dérapage qui octroie la possibilité de viser sur le côté tout en conservant sa trajectoire. Assez difficile à appréhender, cet atout est LA condition sine qua non pour défourailler à tout-va et résoudre certaines énigmes.
Le second permet de “sauter” sur l’adversaire, c’est-à-dire disparaître pour lui foncer dessus. Une option bien utile pour contourner les gredins afin d’esquiver les boucliers pour mieux leur botter les fesses ! Dès lors, la stratégie prend tout son sens car il va falloir gérer les espaces ainsi que les axes horizontaux et verticaux, les ennemis étant également très remuants. Plusieurs fois vous les perdrez de vue ; heureusement, les icônes sont bien lisibles et vous aurez toujours une idée de là où se trouve l’adversaire. A noter que tout se paie et, à l’instar du soin, un cooldown se pose en frein à l’utilisation outrancière. Nous vous laissons immanquablement le plaisir de la découverte des autres aptitudes, aussi jouissives !
A vous de gérer avec intelligence, valeureux pilote !

Quand le jeu commence vraiment !
Nara Connor
Les joutes spatiales sont donc assez intenses et il vous faudra réfléchir à l’arme que vous utiliserez contre les belligérants, ceux-ci étant tous différents. Tout comme vous, ils disposent d’une barre de bouclier à vider avant de s’attaquer à la barre de vie proprement dite. A vous de choisir entre la gatling, aux tirs réguliers et plus efficaces pour pomper les PV, les lasers pour réduire en cendres les protections ou les puissants missiles. Attention toutefois à la surchauffe ou au temps de rechargement ! Vous aurez aussi une progression inhérente à l’utilisation, permettant de faire passer un niveau à chaque équipement afin d’améliorer, par exemple, la cadence des tirs…Chorus vous oblige à ne rien négliger et c’est un très bon argument en sa faveur !
Le passage de l’un vers l’autre ne dépendra que de votre analyse et de votre empirisme. En cela, vous comprendrez aisément quelle artillerie utiliser sur tel ou tel filou même si Chorus souffre d’un déséquilibre au niveau de sa difficulté. Même si plusieurs choix sont possibles en début de partie, le fait d’effectuer de nombreuses missions secondaires vous donne accès à de robustes équipements, défensifs et offensifs, trop rapidement. Même si les boss sont plus complexes (et capables de vous expédier ad patres en quelques secondes), le voyage peut s’avérer relativement tranquille si vous fouinez régulièrement les environs, à la recherche de tâches annexes.

Une immersion guerrière !
Celles-ci ne sont pas toujours folichonnes au niveau des objectifs et voir des vagues incessantes d’ennemis peu dangereux lorsqu’on défend une position a de quoi lasser. Mais cela approfondit un peu l’histoire tout en gonflant la durée de vie qui passe de moins de 10 heures à plus du double pour une totale complétion. La carte est une précieuse associée qui mettra en avant les « goals », personnalisés ou non.
Il est donc bien malaisé de se perdre ou de chercher bien longtemps, à moins de décider de flâner. Cela vous quittera rapidement l’esprit car si vous êtes libre de vous déplacer comme vous le souhaitez entre les missions, avec quelques événements ponctuels comme des signaux de détresse, il n’y a rien à faire entre deux. Pas mal de néant et quelques rares rencontres pour donner une impression de vie. Rien de plus.

Encore de superbes panoramas !
Nara Craft
Or, la sensation de vitesse hors combat est inexistante. Mettre des effets visuels est loin d’être suffisant, là où l’apathie en orbite se justifie parfaitement à l’arrêt. Le rendu supraluminique est donc loin d’être étonnant. Comme nous le disions, cela n’a aucune conséquence sur les fights et, éventuellement, nous pouvons voir cela comme une pause. Quant à savoir si cela calmera vos envies ardentes d’exploration, à vous de juger…
Pour terminer, nous ne pouvions pas oublier l’étape de customisation, essentielle pour progresser et mettre à mal vos opposants. Vous devrez dépenser votre argent dans les hangars (dont on aurait aimé des localisations plus précises) pour choisir votre armement et déterminer votre capacité d’encaisser les coups. Les emplacements “libres” façonneront votre façon de jouer entre augmentation des dps, vélocité et tant d’autres choses. L’équipement est d’ailleurs classé selon sa rareté, d’où la nécessité de récupérer les pièces dans les environs !

La sensation de vitesse plus palpable dans les cinématiques.
Ce petit côté RPG est agréable car il vous offre de belles perspectives. Chaque barreur de la galaxie procèdera selon ses appétences et Chorus encourage à tester encore et encore. Bon nombre de situations peuvent se retrouver facilitées en faisant preuve de jugeote sur les attributs de son vaisseau. Un état des lieux régulier est donc nécessaire et les menus sont agréables à parcourir, nous épargnant les défilements inappropriés.
Que vous dire de plus ? Que sur le plan du level-design, le job est fait. Les quêtes principales jouent beaucoup sur l’étroitesse (ou non !) des lieux tandis que les autres parties bénéficient d’une ouverture bien dosée. Les challengers pourront aussi activer la mort permanente, pari risqué tant une mauvaise collision aura tôt fait de vous anéantir, bien plus que ces chasseurs agressifs mais désemparés face à votre essence surnaturelle.
Cela faisait depuis Everspace que nous étions en stase. On ne remerciera jamais assez les développeurs d’ avoir sorti les boucaniers que nous sommes de la léthargie.