Si les cinématiques à la pointe de la 3D ont très tôt été la marque de fabrique de la saga Final Fantasy, la série rivale Dragon Quest, a toujours joué la carte de la sobriété concernant la mise en scène. Et même si Dragon Quest III et VI se hissent sans crainte dans la liste des plus beaux jeux Super Nintendo, la course à la technique et à la 3D, Square l’a remporté haut la main ? une fois entré dans l’ère Playstation. Néanmoins, depuis la fusion entre les deux géants Square et Enix, et le retour de la série sur console de salon avec Dragon Quest XI, le soin apporté à la réalisation de la création du trio Toriyama, Sugiyama, Hori s’est fait ressentir. Ainsi porté par une superbe introduction 3D, Dragon Quest XI a livré un visage très moderne à Dragon Quest, et la volonté de Square Enix de mettre à son service ses meilleurs artifices s’est laissé entrapercevoir. L’âge avancé des 3 piliers de la série a également commencé à questionner sur l’avenir de Dragon Quest. Par exemple, qu’en sera-t-il de l’univers lorsque Akira Toriyama va raccrocher ? Et bien le film nous concernant ici : Your Story résonne avec le constat posé et amène quelques éléments de réponse aux questions qui ont pu se poser sur les forums par les amateurs de Slime et de Puff Puff.

Un héros et un Slime, l’aventure peut commencer !
Le retour improbable de la fiancée céleste
Dragon Quest Your Story sorti à l’été 2019 est un film d’animation reprenant l’histoire du 5e épisode de Dragon Quest connu chez nous sous le sobriquet » Dragon Quest : La fiancée célecte » et intégralement réalisé dans une 3D qui n’a rien à envier aux dernières cinématiques de Final Fantasy. Le film nous plonge dans l’univers unique de ce jeu tant aimé des Japonais. Your Story fut une belle surprise puisque rien ne laissait paraître que nous allions revoir Bianca, Smilo et tous ces personnages mythiques un jour et encore moins sous la forme d’un film d’animation 3D. Car oui Dragon Quest V se place parmi les épisodes les plus appréciés de la série et est encore aujourd’hui considéré comme un monument du RPG, et à juste titre tant son scénario émouvant et intelligent a su marquer les joueurs qui s’y sont essayé. Ainsi l’histoire nous replonge dans les moments forts du récit, en ouvrant son histoire sur l’enfance du héros baptisé ici Luca. Le début du film prend la forme du jeu Super Famicom en pixel art, avant de basculer en images de synthèse et de se conclure sur une fin pour le moins étonnante, voir déstabilisante qui tente de briser le 4e mur et qui de fait, pourra diviser, voire décevoir, puisqu’elle est posée là, au milieu d’un classico-classique du RPG heroic-fantaisie. Mais nous y reviendront plus bas.

Grâce à une animation superbe, les personnages prennent littéralement vie !
Une réalisation 3 étoiles !
Dès lors que le film révèle sa 3D, on constate que le style d’Akira Toriyama laisse place à quelque chose de différent, quelque chose de plus souple et plus cartoon dans l’animation, tout en gardant l’esprit de l’univers du dessinateur et toute la colorimétrie mise en place en 1992. Le style anguleux du mangaka qui avait fait des merveilles en animation traditionnelle, prend cette fois un autre visage en 3D, un visage plus éloigné de son style mais qui pourtant surprend positivement et marche étonnamment très bien. Le sentiment de perdre quelque chose ne se fait pas du tout ressentir et rapidement, la vie insufflée à nos héros est bluffante et convainc, tandis que le vil sorcier Erebos est plus répugnant et maléfique que jamais. L’animation est brillante, le niveau n’a rien à envier aux plus grosses productions américaines de chez Pixar. Les textures de neiges, les effets de fourrures, le travail des lumières, les expressions des personnages… Tout est absolument soigné ! Ce travail artistique est honoré par un rythme et un montage énergique quand il le faut, mais qui sait prendre le temps d’illustrer les moments clés du jeu. Ainsi revivre le choix du héros concernant sa future femme dont l’identité est canonisée de manière subtile, les moments tragiques qui on fait de Dragon Quest V un jeu culte, tout comme redécouvrir les multiples environnements du jeu de si belle façon est un véritable bonheur.

Your Story canonise l’une des deux prétendantes. Qui de Bianca ou de Flora sera la fiancée célestes ?
Une affaire de famille
L’histoire de Dragon Quest V, c’est avant tout une histoire de famille et de lignage. Dans bon nombre de RPG c’est par une alliance de frères et sœurs d’armes que passe la lutte contre le mal ou toute autre forme de quête initiatique, alors qu’ici c’est une affaire de famille qui prédomine durant tout le récit. Luca enfant, séparé de sa mère par le destin, fera ses premiers pas dans le monde aux côtés de son père, avant d’en être également séparé et de devenir père à son tour. Sa mère enlevée par des démons après sa naissance ne pourra le voir grandir et c’est sur ses épaules et celle de la famille qu’il va se construire à la fin de l’adolescence, que va s’affaisser le lourd poids de l’héritage d’une lignée censée amener un héros pouvant brandir la seule arme capable de repousser le mal. Sans tout dévoiler, il est important de retenir que l’histoire de Dragon Quest est aussi simple qu’intelligente et qu’elle est surtout émouvante et brillamment contée. Et ce conte initiatique ne perd (presque) en rien de sa superbe dans cette version cinéma, qui profite en prime, d’une relecture complète en version symphonique de sa bande-son originale, elle aussi célèbre depuis bien longtemps.

Le déjà très horrible Erebos est encore plus… horrible ^^;
La fin qui casse tout même les murs ?
Dragon Quest Your Story aurait pu même être parfait si sa fin n’avait été changée. Sans en dévoiler le moindre détail, il est cependant impossible de ne pas aborder ce point qui divisera assurément. Par l’envie des créateurs d’évoquer le souvenir et l’impact qu’a laissé Dragon Quest sur la jeunesse japonaise des années 90, le film fait un travers à 180° dans ses dernières minutes pour y intégrer une morale, un message sous couvert de 4e mur brisé, dont on se serait bien passé, et dont bon nombre des amoureux de la série ont de toute façon bien conscience. Si le propos se défend dans l’idée et que la prise de risque est évidente, ce n’était ni le lieu ni le moment de placer ça là. Comme si par ce film et par l’aura de Dragon Quest V, Square Enix voulait se justifier de ne faire que du jeu vidéo ou nous faire comprendre la force du média. Bref chacun y verra le message qu’il veut, toujours est-il que c’est dommage. Certains y verront peut-être un ajout intéressant, me concernant, je n’ai pas besoin de ça pour réfléchir à la condition du jeu vidéo dans ma vie et mon quotidien, surtout quand c’est amené aussi grossièrement. Je n’ai pas besoin non plus que l’on m’explique ce que représentent l’imaginaire et la richesse des histoires contées et la place qu’elles peuvent tenir dans ma vie.

Les décors ont disposé d’un réel soucis du détail et de la colorimétrie.