L’histoire est sans faille sur un point précis : l’enchaînement des paradoxes fait partie de son ADN. Et lorsqu’on s’attarde ne serait-ce que sur notre passion commune, le constat est clair : jeu vidéo et cinéma, ça ne vole pas toujours très haut ! Le cas de Sonic est si particulier au sens où la déchéance fut rapide, que ce soit qualitativement ou à travers sa représentation. Mascotte de la firme SEGA, le hérisson bleu a débuté sa chute doucement, devenant un simple héros dont l’heure de gloire était révolue. Guest de productions de l’ennemi juré, Nintendo, perdu au milieu d’essais dont le manque de justesse était flagrant, il a dû attendre l’avènement tardif de la lumière.
Car si Sonic 4 avait échoué à faire revivre la franchise, Mania (retrouvez le test de Merode juste ici), grâce à la bienveillance d’un fan, a su raviver la flamme. La direction semblait prise. Et pourtant…
Paramount et Sammy Group ont misé là où on ne les attendait pas. Ainsi naquit le premier long métrage, longuement raillé lors de son annonce pour le look (modifié depuis) de notre champion plus proche du junkie délavé que du charismatique mammifère poilu. Un succès plus tard, en dépit de qualités discutables dont nous vous parlerons prochainement et le filon est tout trouvé. Une suite est programmée (et même annoncée dans l’opus précédent) et elle ne sera pas unique.
Bref, il est temps de se frotter aux piquants de ce Sonic 2, le film qui, assurément, saura trouver son public sans chercher à convaincre ceux qui étaient déjà sur le bord de la route. Un objet complètement barré qui repousse toutes les limites de son prédécesseur. Et parfois, cela se fait vraiment à son détriment…

Copyright Paramount Pictures France
Carrey ment (méchant, jamais content !)
Autant ne pas vous promener sur les rives de Venise afin de vous envoyer de la poudre aux yeux, les théorèmes fallacieux étant bannis du site. Sonic 2,le film est loin d’être un chef-d’œuvre du grand écran que ce soit au niveau de la réalisation, de l’écriture ou de sa direction d’acteur. Ce n’est aucunement l’intention de Jeff Fowler, à la barre des 2 épisodes, parfaitement conscient des limites imposées par le sujet.
Résolument orienté pour les jeunes spectateurs, le film commet sa première bourde : enfermer les mômes dans un cliché beaucoup trop simpliste. L’apanage “c’est pour les enfants” est terriblement réducteur, laissant penser que le mauvais goût à réceptionner est une coutume normale. Or, et nous ne sommes pas les pionniers à le crier haut et fort, c’est dans cette période de jeunesse que se forge le discernement. L’expression est donc vaine et, plus grave, vraiment réductrice…
Enfin, passons !

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C’est en ce (détestable) sens que nous avons la panoplie d’un humour qui frôle souvent le bas étage, notamment par le biais de gags sur les flatulences ou sur la personnalité de Sonic, tout simplement insupportable durant les trois quarts de l’épopée. Certes, certains ressorts comiques s’avèrent plus réussis mais terriblement hors-sujet, à l’image du sketch du mariage flirtant bon avec la nostalgie des comédies des années 90. Nous admettons que la situation est cocasse ; seulement, celle-ci n’a rien à faire ici et s’étale en longueur au détriment de l’histoire, clairement mal construite.

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Tails of arise
Parlons-en de ce scénario ! Celui-ci tient sur un timbre déchiré en plusieurs morceaux. La trame est des plus concises et les personnages ne sont ni travaillés ni profonds. Au moins, on nous épargne la morale du premier même si nous n’échappons pas au sempiternel “pouvoir de l’amitié” ni à “la destinée de ses rêves”. L’intérêt n’est pas là et même si Ben Schwartz se démène comme un beau diable en Sonic, il est toujours difficile de s’attacher vraiment à lui. Pour le reste, le néant est la règle : Tails est insignifiant, Knuckles transparent. Un gentil et une brute dont on anticipe les agissements bien trop aisément. Malheureusement, le surplus du casting est tout aussi anecdotique en dépit de la bonne volonté des comédiens.
Au milieu de tout cela surnage Jim Carrey, bien plus convaincant en Robotnik que dans l’opus initial. En VO ou en VF, sa voix est un régal et s’il cabotine toujours autant et délibérément, nous avons la sensation que la feuille de route est plus claire concernant son rôle. Évidemment, si vous n’adhérez pas au style du bonhomme, tout cela est peine perdue. En revanche, on sent que Eggman est mieux habité par l’acteur, débarrassé d’une entrée poussive dans la diégèse et des justifications approximatives de sa présence.

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D’ailleurs, difficile de dire que le film est ennuyeux. Si le rythme est ultra élevé (trop même), ce choix est pertinent à partir du moment où le contrat qui impose à votre cerveau une pause est accepté ! Bien sûr, ça n’arrête pas et nous sommes face à un ouragan de références à la saga. Une suite de clins d’œil sympathiques et même si nous les voyons venir à des kilomètres à la ronde, cela fait toujours son petit effet. D’autant plus que le générique est un régal sans faute, nous faisant fantasmer sur un produit vidéoludique du même acabit…

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Sonic ta loupe
Sonic 2 était aussi tout spécifiquement attendu pour l’intensité de son action au regard des protagonistes de ce théâtre un peu fou. Sur cet aspect, la réussite est globale grâce à la grande lisibilité de ces phases. Alors ne nous mentons pas : nous ne sommes pas en présence d’un grand classique. Néanmoins, il faut admettre que tout est plutôt fluide. Cela ne relève pas la piètre qualité de certaines séquences, comme la première apparition de Sonic qui est juste affreuse, mais on ne ressort ni avec le tournis, ni avec la sensation d’avoir loupé quelque chose.

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Si les bestioles ne s’intègrent pas trop mal dans les décors, nous pouvons légitimement penser que ces derniers soufflent le chaud et le froid. Trop souvent, la technique du fond vert se repère, ce qui a tendance à casser l’immersion. Les effets sont globalement corrects sans non plus nous en mettre plein les yeux.
Toutefois, nous sentons que le budget alloué a permis d’effectuer de très beaux plans, notamment vers la fin où le fan-service dégouline de toute part avec un enthousiasme toujours plus éclatant. Les passages plus “normés” bénéficient aussi d’un certain soin esthétique même si quelques ratures encombrent la page, à l’instar de légers soucis de cadrage. La lumière parvient à ne pas trahir la direction artistique, pas folichonne mais pas honteuse non plus.

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Sega mineries
Le film Sonic 2 dispose aussi d’un montage efficient qui, comme nous le disions plus haut, ne recherche jamais la contemplation. Pas le temps de philosopher, il faut que ça avance ! Finalement, cela peut être vu par quelques-uns d’entre nous comme un défaut majeur de l’ouvrage qui a bien du mal à élever une scène au-dessus du lot. Cependant, la donne est transparente et, à en juger la frénésie infantile de la salle, la cible est atteinte.
Les bruitages sont tout aussi habiles et contrebalancent avec le plus gros ratage du métrage : l’OST tout bonnement atroce. A force de virer dans le poncif édulcoré, le choix de la playlist s’en ressent. Cela engendre des moments gênants comme ces pas de danse absolument injustifiés et très mauvais. Bien sûr, il faut bien remplir le carnet mais le contenu peut se montrer très indigeste surtout que 2H, c’est bien trop long pour une création comme celle-ci.

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On ne peut en aucun cas retirer la bonhomie et l’envie de divertir. Le problème est qu’à force de vouloir imiter la « Disney’s touch”, le long métrage s’approche du pastiche en raison de son manque de maîtrise. Le pire reste également le placement permanent de produits, ce qui est pour nous répulsif, surtout quand on regarde à qui est destiné le film. Nous avons donc une suite de clips bourrés de publicités avec un vague fil rouge qui relie le tout.
Dommage et rageant. Voire révoltant.

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Des barres Knuckles !
Alors que penser de ce Sonic 2, le film au final ? En acceptant tout ce qui est bancal et en prenant un très net recul, il y a la possibilité de passer un moment qui n’est pas trop désagréable. En soi, le produit est loin d’être la catastrophe industrielle prévue et se montre bien plus distrayant que son grand frère. Sans doute est-ce dû au gain de temps lié à des enjeux qui n’ont plus besoin d’être exposés.
Cependant, tout cela doit être pris en compte dans l’appréciation du produit qui se plombe parfois tout seul à vouloir trop en faire. Pure souche du Hollywood “de masse”, Sonic 2 ne chamboule pas la formule, accusant même parfois un certain retard sur ses contemporains. En outre, la proposition est limpide et si elle ne peut être comparé aux meilleurs, elle ne s’enfonce pas dans les méandres de l’infamie absolue.

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En gros, Sonic 2 ne récoltera pas l’unanimité pour toutes ces raisons précises. Toutefois, si vous ne cherchez pas des coups de génie ou une réflexion profonde, nul doute qu’il fera l’affaire ! Il va sans dire que pour apprécier les pérégrinations, la quête des références sera essentielle ainsi qu’une appétence pour les performances de Jim Carrey. Sans cela, cela relèvera de la pure cacophonie biberonnée au contexte aseptisé de notre époque.
Finalement, nous n’en attendions rien mais nous ne sommes pas ressortis traumatisés.
En tout état de cause, la planche à billets va continuer de tourner, une troisième itération et d’autres projets autour de la licence étant encore dans les tuyaux. Surprenant tiens…