« C’est un endroit entre les endroits. Ici n’ont de place que tristesse et résolution. C’est ici que les égarés sont retrouvés et que la vengeance pointe son vilain museau. Les esprits vengeurs naissent de mort violente. »
Ainsi commence Infliction : Extended Cut. Cette citation du Necronomicon, livre saint écrit par Abdul El-Hazred, l’Arabe Fou, et prônant une croyance en une race supérieure, cosmique dirais-je, va parfaitement à ce jeu créé par Blowfish et Caustic Reality. Bien entendu, ce livre est une fiction sorti de l’imaginaire du génie Howard Philip Lovecraft. Ceux ayant lu ses différents ouvrages connaissent sa fascination de l’immatériel, du tellement immonde que cela en devient indescriptible, de la folie sapant complètement tous les fondements de ce qu’est notre réalité. Et bien c’est cette folie qui vous attend dans Infliction. Cette absence de ligne tangible. Sérieusement, ce jeu a sur moi un effet troublant. Je l’ai terminé quatre fois et pourtant j’ai toujours aussi peur et autant de mal à me repérer, ou plutôt à m’organiser. Comme si je naviguais dans un flou cauchemardesque. C’est tout bonnement diabolique. Vous m’accompagnez ?
Une ambiance diabolique
Je ne comprend pas pourquoi Infliction : Extended Cut n’a pas été mis plus en avant dans la presse. C’est tout simplement l’un des jeux m’ayant fait le plus peur. Inconditionnel de l’horreur, j’ai parcouru bon nombre de productions horrifiques. De Outlast à Amnesia en passant par Layers of Fear. Des choses plus obscures et originales comme Perception ou encore Conarium. Bref, la liste est longue. Mais la peur que m’a fait ressentir Infliction est vraiment particulière. Certes, je n’ai pas vécu de moments de stress intenses comme dans Outlast 2 qui est riche en scènes d’une rare intensité. Je n’ai pas été attiré par une aura de mystère comme dans Amnesia. Je n’ai pas ressenti l’angoisse du combat à venir comme dans Resident Evil. Dans Infliction Extended Cut, j’ai peur viscéralement. Ca me prend aux tripes tout du long. Vous connaissez ces moments où vous n’osez plus avancer, tétanisé par un bruit, un chuchotement ou un craquement du parquet, telle une biche prise dans le faisceau de phares. Qui n’a jamais ressenti une furieuse envie de courir, ce sans raison aucune, alors qu’il marche seul dehors ? Infliction c’est cette peur irraisonnée et envahissante.
L’ambiance de ce jeu est tout bonnement démoniaque. Cela est beaucoup du au fait qu’il se déroule dans un lieu moderne, une maison « cosy » dans laquelle nous nous imaginons facilement vivre, et prend racine dans les drames du quotidien. La douleur de la perte d’un être cher, l’addiction, la dépression… Ces choses que malheureusement nous sommes presque tous amenés à connaître dans notre vie. Cela serait criminel de trop vous en dire sur le scénario. Sachez seulement qu’il va plus loin, mais alors beaucoup plus, que ce que le joueur peut présager en se lançant dans une nouvelle partie. Nous démarrons par une scène des plus banales. Jouant le rôle d’un père de famille tout ce qu’il y’a de plus « lambda », nous sommes au volant car notre femme devant partir en voyage à bêtement oublié son billet d’avion à la maison. Nous allons donc le récupérer. En chemin, juste avant d’arriver chez nous, nous croisons un accident. Quelqu’un s’est embouti dans un arbre. Arrivé sur place, nous découvrons donc notre lieu de vie. Et les choses sérieuses commencent. Mais point de spoil ici. Clôturons donc ce paragraphe par un dicton : « L’Enfer est pavé de bonnes attentions. ».
Un retour dans les années 90
Plutôt beau, Infliction Extended Cut est développé avec l’Unreal Engine. Le ton est donné dès l’écran titre nous montrant une pièce délabrée, une télévision sur laquelle apparaît un crachin entrecoupé d’images glauques, l’ombre d’une silhouette sur le mur… Si notre maison est au départ accueillante, les lieux vont évoluer vers une décrépitude malsaine. La chose géniale est le souci du détail. Notons déjà que cette œuvre se joue à la première personne. Si vous êtes né durant les années 80-90, alors vous allez adorer saisir la multitude d’objets observables sous toutes les coutures. Pour exemple, l’homme que nous jouons possède une collection de VHS d’horreur. Nous pouvons regarder à loisir les covers rappelant les bons gros nanards dont nous raffolions à l’époque. Des livres sur divers sujets, des magazines, des jouets que nous connaissons tous, des boites de médicaments, des cartons de pizzas ou autres dans le frigo… Bref, notre environnement regorge d’objets modélisés et aidant beaucoup à se plonger dans l’ambiance. Bien entendu, nous sommes dans un jeu d’horreur et donc, sans en dire trop, nous aurons le droit à notre lot de choses sanguinolentes et sordides.
Mais hormis l’environnement changeant et devenant extrêmement flippant, nous ne sommes pas le seul protagoniste de cette histoire. La menace principale est une énième représentation de la Sadako du film japonais Ring d’Hideo Nakata. Dieu qu’elle fait peur ! Sa manière de se mouvoir, son apparence cadavérique, sa substance intangible… La croiser durant nos pérégrinations fait réellement froid dans le dos. Et elles ne sera pas seule. Connaissez-vous l’œuvre de Clive Barker ? Ce monsieur est le papa d’Hellraiser. Dans cette série de romans et de films, les grands méchants sont les Cénobites, créatures infernales vouées à la torture et faisant montre d’une malsanité jamais égalée. C’est à eux que nous aurons à faire dans Infliction Extended Cut, du moins à leurs représentations sortant des cerveaux inspirés de chez Blowfish et Caustic Reality. Les développeurs sont vraiment allés piocher dans ce que la littérature et le cinéma d’horreur ont de pire, et donc de meilleur. Le résultat est un jeu transpirant le malaise par tous les pores. Glaçant.
Dites « Cheese » !
Venons en au gameplay qui se veut simple et efficace. Nous avons donc une vue à la première personne. Les interactions se limitent principalement à la commande « utiliser ». Rien de compliqué. Au bout de quelques heures de jeu, nous trouverons un appareil Polaroïd. Celui-ci nous servira à trouver des indices et à résoudre des énigmes. Vous êtes perdu et ne savez plus comment avancer dans l’aventure ? Prenez des photos de ce qui vous entoure et vous pourrez peut-être y apercevoir des choses invisibles au premier abord. Des traces de sang indiquant le chemin peuvent apparaitre sur la photo d’un mur pourtant clean. Cette feature est des plus sympathiques. Et que faire lorsque la Sadako rôde dans les parages ? Deux choix s’offrent à nous. Le premier, conseillé, est de se cacher sous un lit ou dans un placard, de se baisser derrière un meuble… De faire en sorte qu’elle ne nous aperçoive pas. Si jamais cela arrive, c’est généralement la mort assurée, ce qui nous ramène au début du chapitre en cours et n’a pas grande conséquence. Cet être démoniaque est sensible à la lumière. Un coup de flash de notre Polaroïd ou un interrupteur allumé au bon moment, si tant est qu’il fonctionne, la fera disparaître pour quelques secondes, mais elle réapparaitra toujours bien trop proche de nous. Quant aux autres monstruosités auxquelles nous auront à faire, je vous laisse découvrir la place qui est la leur dans ce jeu.
La maniabilité de Infliction Extended Cut est donc parfaite pour ce que l’on nous demande. Ensuite, le découpage du titre est très bien fichu. Chaque chapitre nous conte une partie bien précise de l’histoire et nous donne un objectif à remplir comme par exemple un objet en particulier, mais jamais clairement énoncé, à dénicher dans la maison. Des secrets, appelés « souvenirs », nous en apprenant plus sur la psyché des protagonistes sont disséminés un peu partout. Une photo, un cahier… La voix de notre femme nous contera alors un quelconque passage sur la vie de la famille. Ceux-ci sont écoutables à volonté dans le menu. S’amuser à tous les dénicher allongera la durée de vie du soft qui est déjà très bonne. Quand vous aurez terminé le jeu une première fois, l’accès à un musée virtuelle se débloquera. Celui-ci et magnifiquement réalisé, nous montre nombre d’œuvres fabuleuses en rapport avec le jeu et il est très agréable de s’y balader. Infliction Extended Cut récompense également le joueur avec une version « new game + » changeant quelque peu les énigmes, l’emplacement des objectifs, etc… La chose est vraiment cool. Voilà, niveau gameplay nous sommes encore tout bon.