Tortues Ninja, Teenage Mutant Ninja Turtles ou tout simplement TMNT pour les plus pressés…
Qu’on soit un citoyen (ou non) de cette génération que nous fantasmons tous, nous qui prenons de l’âge, comme une époque dorée, force est de constater que le quatuor de chéloniens a su entrer dans l’imaginaire collectif, devenant même un clan de figures de proue de la Pop Culture. Surprenant ? Pas forcément au sens où de multiples itérations furent produites avec plus ou moins de succès. Si le cinéma a vu naître des productions correctes, il n’a pu empêcher l’exploration des marais de médiocrité. Par bonheur, la bande dessinée a apporté une profondeur insoupçonnable, pimentée par des destins surprenants (ô Donatello !).
Mais pour une majorité d’habitants de notre parcelle d’Occident, TMNT embrassa la gloire via une série télévisée animée avec un générique qui se présentait en souvenir implacable, principalement pour la plupart des gens qui découvrirent les aventures de nos héros au tout début des nineties.
En dehors de quelques curiosités, émanant notamment du pays du Soleil-Levant, l’histoire se résume à cela. Excepté pour le jeu vidéo qui accoucha de nombreux titres mythiques en se revendiquant souvent de l’arcade. Cependant, s’il fallait réaliser une forme de brassage, autant dire que l’épisode NES de TMNT ainsi que l’épisode Turtles in Time ont envahi l’espace public.
Ce n’est pas pour autant que la série vidéoludique n’a pas connu d’autres joyaux ; en outre, il est vrai que la dernière immondice de PlatinumGames, studio paradoxalement sur le déclin depuis des années, n’a pas encouragé l’exploration et la découverte de cet univers.
Alors quand vint l’heure pour Tribute Games, sous la houlette de Dotemu (pilier de la renaissance de Streets of Rage), tous les espoirs se sont mués en attentes incontrôlables.

Un avant-goût très fidèle au dessin animé…même si Splinter fait un peu peur !
TMNT : de quoi Shredder ?
Maintenant que la version physique s’apprête à envahir le monde des machines, il était temps pour nous de vous livrer nos impressions sur TMNT : Shredder’s Revenge avec tout le recul nécessaire pour explorer les hauteurs mais également les bas-fonds de cet opus.
Le verdict ? Quand l’excellence est plombée par un défaut majeur, les vestiges de la contrariété nous enivrent.
Autant évacuer l’évidence le plus rapidement possible : si vous n’avez suivi ne serait-ce que les prémices de TMNT, vous aussi, vous serez face à l’immuable. Le jeu est magnifique. Et en affirmant cela, nous nous contentons de manier l’euphémisme avec un bonheur certain. Le PIxel Art impressionne, tout comme la Direction Artistique. Oui, la colorimétrie nous en met plein les mirettes et chaque nuance semble millimétrée.

Un scénario simple mais fun !
Ajoutons à cela un chara-design de haute volée et voilà que le dogme ne se camoufle plus : tout est aux petits oignons, à l’exception peut-être de Splinter qui a une tronche légèrement flippante lors des cinématiques. Néanmoins, cela relève du détail, histoire de trouver quelque chose. En effet, lorsque vous verrez TMNT tourner, la tartasse est incommensurable. Le soin apporté à chaque élément dénote d’un perfectionnisme de haute volée, à l’instar des arrière-plans juste incroyables.
Plus fort encore : les animations ! Si le choix des images fixes est pertinent lors des cinématiques, mis à part l’introduction mouvementée qui singe avec brio le dessin animé, in-game, c’est le festival ! Tout est fun, chaloupé et crédible. Bref, c’est le festin de l’excellence qui ne frôle jamais l’overdose tant l’équilibrage est de mise. Jamais dégoulinant ni de mauvais goût, TMNT s’impose tel un maître-étalon.
Oui, oui. Et nous pesons nos mots !

Et ça claque de partout ! C’est tout ce qu’on demande après tout…
Shredder, c’est Twix !
Au-delà de la référence un brin foireuse, il faut bien avouer que le soft multiplie les hommages à ces modèles, synthétisant en l’espace de quelques heures tout l’esprit affilié aux tortues ninja. De la baston, de l’humour, du rythme et une bonne ambiance sont les artères de ce TMNT “made in 2022”. Ni plus, ni moins. L’ADN est incomparable et il va sans dire que pour les fans comme pour les nouveaux-venus, ce succès est indéniable.
Et comment ne pas évoquer ce sound-design ? Proches de la perfection, les bruitages sont toujours dans le ton, à l’image des doublages, loin d’être trop imposants et d’une justesse sans précédent. Les comédiens s’en donnent à coeur joie et l’enthousiasme est de mise, nous plongeant dans une atmosphère digne des plus grandes adaptations de la saga. Sans ambages, n’allons pas par 4 chemins : l’immersion est totale !

Des petites trognes bien connues.
La partition constitue aussi un régal. Tee Lopes, à la baguette sur Sonic Mania et sur l’extension de Streets of Rage 4, parvient à organiser cette hégémonie qui aurait pu aisément se transformer en cacophonie ambiante. Par bonheur, le sieur dispose de plus d’un tour dans son escarcelle pour distiller les morceaux avec brio. Chaque niveau est empreint de sonorités uniques et proprement géniales. De plus, lorsque nous avons affaire à plusieurs collaborations toutes plus formidables les unes que les autres, comment faire la fine bouche ? Ne nous mentons pas : se réjouir d’une piste de Ghostface Killah et de Raekwon, légendes du Wu Tang Clan, nous pince toujours le palpitant.
TMNT, fort de sa prestation visuelle et sonore, se meut en leader des essais vidéoludiques, bien aidé il est vrai par ses compères d’antan. En outre, cela prouve que les développeurs sont de grands créateurs ainsi que des fans invétérés, particulièrement respectueux du matériau d’origine tout en apposant leur propre volonté. En évitant la rupture, volontaire et réussie, de SoR4 avec ses prédécesseurs concernant son aspect, ce TMNT ose prendre le risque de la comparaison.
De surcroît, il s’en délecte avec inspiration.

C’est toujours aussi classique comme séquence. Mais ça fonctionne !
L’un April l’autre
En soi, aucun nuage ne semble menacer l’horizon de l’œuvre. Le constat est d’autant plus rassurant lorsque le didacticiel, malheureusement non interactif, se met en route pour nous présenter la panoplie des mouvements. De ce point de vue, TMNT ne se contente pas de tenir la dragée haute à la concurrence : la production se permet une diversité qui explose pas mal de concurrents du Beat’Em Up sans sourciller.
Combos simples, attaques chargées, spéciales, mode rage, roulades, dashs, recoveries, prises avec différents lancers (ah, celui qui envoie les méchants vers l’écran !)…aucune déception n’est à déplorer dans les rangs. Le tout s’enchaîne avec une fluidité exemplaire même si regrettons l’impossibilité de cancel certaines animations entamées, ce qui nous condamne à observer la praline bien avant qu’elle ne nous touche. Tout cela est une question d’anticipation nous direz-vous mais le cas échéant, il est plutôt compliqué de compter sur le réflexe pur, du moins offensivement.

Une projection jouissive avec le petit trophée qui va bien !
Pour la défense, les possibilités sont exponentielles et permettent de se sortir de mauvais pas après un petit temps d’adaptation. L’ergonomie à la manette aide beaucoup et les créateurs peuvent se targuer d’avoir esquivé une complexité futile et agaçante. Mention spéciale également aux assauts ascendants et descendants, faciles à réaliser même si ces coups semblent un peu cheatés, les frames d’invincibilité étant larges. Il serait même tentant de spammer pour s’en sortir, ce qui constitue une tare non négligeable.
Toutefois, ce serait se priver du bonheur de TMNT : l’enchaînement. Ainsi, cumuler les parpaings permet d’augmenter sa jauge vous permettant dans un premier temps d’engranger une furie dévastatrice puis, au maximum, d’activer un mode temporaire décuplant vos attaques. Cela vous demandera de la dextérité : si vous encaissez une frappe durant la montée de la barre, celle-ci redescend à son niveau initial. Le palier franchi est pérenne mais…c’est tout. A vous de juger quand vider la jauge. Heureusement, TMNT est très généreux concernant le remplissage.

Et une furie, une !
TMNT : Split her Cell
Toutes ces possibilités ne seront pas innées et il vous faudra monter en XP vos personnages, à la manière d’un RPG. Cela se fait sur 10 niveaux et cela crée un paradoxe : pour renforcer un perso, il faudra jouer régulièrement avec lui. De fait, plus vous choisissez le même membre du casting, plus TMNT sera facile en raison de l’augmentation des PV, du nombre de vies et du moveset, comme ces variantes du coup spécial ou ce mode “quasi-berserk” précédemment évoqué.
Les modes de difficulté seront là pour vous fournir l’opposition recherchée, à l’instar de l’option “arcade” qui, selon nous, constitue l’intérêt réel de TMNT en nous mettant aux prises avec toutes les contraintes de…l’arcade. Et il y en aura pour tous les goûts ! En plus des 4 tortues se mêlent Splinter et April, ainsi qu’un personnage déblocable. Dommage que celui-ci soit clairement le plus fort, voire le plus classe, mais passons. C’est en ce sens que vous déterminerez vos appétences au combat, certains critères qualifiant les guerriers (portée, puissance et vitesse). Classique, tout en vous laissant la liberté de diriger un lourdaud balèze ou une gazelle moins puissante voire un “équilibré” (oui Leonardo, on parle de toi !).

Le solo est moins jouissif mais reste intéressant.
Bien sûr, TMNT est bien plus amusant en multi qu’en solo mais il faut le reconnaître : en ligne, à 6, c’est un joyeux bordel illisible. On privilégiera donc les parties à 4, surtout en local et à 2 au minimum, ne serait-ce que pour la typologie intelligente des soins. Si vos vies reviennent à chaque level, peu de manières d’en regagner en cours de niveau se présentent. Tout juste verrez-vous en général une pizza pour un personnage et une autre pour tout le monde lors de la traversée des tableaux.
C’est là qu’intervient le brillant système de coop qui vous propose de “checker” vos alliés pour leur donner un peu de votre vie, un savant équilibre étant à trouver. Cela constitue une grande force de TMNT qui pousse le BTU à s’orienter vers un minimum de stratégie, sachant que vous aurez aussi l’occasion de ranimer un protagoniste KO, selon un laps de temps précis et en vous exposant. Cela fait largement le café même s’il faut dire que le jeu ne présente jamais un challenge trop imposant.
Surtout lorsque vous trouvez « la faille » mais nous y reviendrons.

Des bourre-pifs comme s’il en pleuvait !
Sex April ?
L’opposition de TMNT n’est pas toujours bien vaillante et il va sans dire que l’IA se comporte comme celle d’un BTU “normal” : aller se vautrer contre un environnement ou plonger dans le vide n’est donc pas un événement rare de la part des belligérants qui empestent la dérision à plein nez. Peu résistants, les éléments du bestiaire sont suffisamment variés pour vous embêter lors des castagnes.
Les uns vous lancent des trucs pendant que d’autres vous harcèlent au corps-à-corps. Dans le même temps, certains parent pendant que d’autres ne seront vulnérables qu’aux contres. Aucune contestation n’est possible : pas un ennemi n’est le skin de l’autre et nous ne pouvons que féliciter les développeurs pour cet état de fait.

Certainement une des meilleurs idées du jeu.
Ce qui fera plus débat sera une partie des Boss. Ceux-ci, bien trop nombreux, ne sont pas tous intéressants et disposent de patterns rachitiques. Pas franchement costauds, ces gardiens de niveau ne trôneront probablement pas au panthéon des joutes inoubliables. Trop souvent mis en difficulté par les attaques spéciales, peu surprenants, ils seront vite mis à mal. Pas uniquement par stratégie mais par usure et ce bien avant vous.
Certes, l’hétérogénéité est appréciable et les clins d’œil ravissent les nostalgiques que nous sommes. Cependant, un zeste de résistance n’aurait pas été de trop car hormis le dernier d’entre eux (et encore), tout cela est rapidement plié, certaines rixes ne dépassant clairement pas les 2 minutes, même sans avoir étudié toutes les subtilités de TMNT. Cela constitue des moments sympathiques mais pas mythiques pour autant.

Référence, quand tu nous tiens !
Shredder mord !
En bon élève, TMNT reprend l’excellente idée de SoR4 en faisant rebondir les ennemis sur les extrémités de l’écran, ce qui évite au maximum les duels hors champ et malvenus. Si quelques écueils sont à signaler, comme cette première mission en skate ou la sempiternelle charge des motos usée jusqu’à la moelle par le genre, tout se déroule comme sur des roulettes !
Les quelques problèmes de perspective sont habilement maquillés et les quêtes annexes, qui consistent à retrouver des objets lors de votre chevauchée, augmentent la replay-value. Nous noterons en contrepartie quelques bugs subis, comme ce personnage ressuscité qui n’apparaît pas, mais cela reste du domaine de la rareté. Pour le reste, tout est intelligent, du placement des bonus vous permettant d’expédier plus rapidement ad patres les vilains jusqu’au choix de garder vos loustics immobiles lors de la préparation des attaques chargées.
TMNT se permet d’être assez long pour un BTU et ne se trompe que rarement dans sa progression. Jusqu’à ce que nous trouvions « la faille », implacable, foutant en l’air un pourcentage non négligeable du gameplay. Ainsi, comment accepter que le bouton de provocation recharge à chaque fois UNE barre complète de mana servant à effectuer les charges spéciales ? Comment ?

Certains Boss sont bien plus intéressants.
Surtout que cela fonctionne lors des temps calmes, vous permettant de repartir à bloc sans aucune once d’adversité. La logique des combos, victime de cette erreur grossière, s’en trouve chamboulée et plaquée au sol, le canon sur la tempe. Sachant cela, il n’est plus usuel de s’acharner sur les corps frais ou défaits de nos adversaires puisque l’abus est permis, trahissant un état d’esprit jusque-là irréprochable.
Et c’est là le grand drame de notre récit : comment un amas de créativité peut-il être infecté par une flagornerie sans nom ? Comment une telle couillonnade a-t-elle pu s’immiscer dans un tel torrent de minutie ?
Cela condamne TMNT à rester parmi les bons alors que l’excellence lui tendait les bras.