Avant de rentrer dans le concret, un petit avant propos de ce qui va suivre s’impose. Ce test de Resident Evil Village Gold Edition va être assez copieux et donc se structurer en trois grosses parties. La première sera le test du jeu initial à proprement parler. Dans un second temps, il y aura une mention dédiée à l’intégration de la vue à la 3e personne et aux ajouts de la Gold Edition sur le jeu. Pour les gens désireux d’avoir uniquement l’avis et la note du jeu initial, je les renvoie au test de base ici. Enfin la dernière partie de ce test sera consacrée au DLC Shadows of Rose.
TEST – RESIDENT EVIL VILLAGE
C’est bien loin de la ville de Racoon City que commence cette fable horrifique nommée Resident Evil Village. 8e opus principal de la franchise de Survival Horror de Capcom, Village nous conte la vie d’Ethan Winter après les événements tragiques et traumatisants du 7e épisode qui commença, rappelons-le, par ce repas inoubliable entre amis, dans un coin puant de Louisiane. Notre héros, dont on ne voit jamais le visage, puisque Capcom a adopté la vue à la première personne pour sa franchise, a reconstruit sa vie et a fondé une famille. C’est sur ce moment que s’ouvre le récit. Ethan pouponne et canalise ses peurs tant bien que mal. Mais soudain tout bascule. Sa famille brisée, il se retrouve lâché dans une contrée hostile et froide, où la couleur qui prédomine sur la neige bordant les sentiers est celle du sang d’habitants terrorisés, vouant un culte à ce qui semble s’apparenter à une déité païenne et très locale répondant au nom de Mère Miranda.
Inspirations
Les inspirations de ce Resident Evil tendent vers le tribal et le folklore Transylvanien. On y retrouve tout un bestiaire composé de Lycans, de créatures buveuses de sang et de sorcières illuminées. Les compositions visuelles mises en place dans les environnements cultivent une ambiance ritualiste fort marquée, comme ces têtes de boucs décapités et suspendus au-dessus d’un chemin à l’entrée du village, ou encore ces pentacles tracés à la craie sur le plancher des habitations, témoignages de pratiques magiques anciennes. Cette localité est un mélange vieilles habitations faites de pierre, de torchis et de bois, qui ne tiennent debout que par des renforts de métal et autres bric-à-brac en taules placés çà et là. Surplombant cette version slave du village de Resident Evil 4 domine un énorme château évoquant Castlevania Lords of Shadow et ses panoramas renversants. Une bâtisse composée d’un intérieur raffiné, où les lumières à la chandelle montées sur de superbes lustres font scintiller les dorures et le marbre d’une décoration intérieur purement baroque.
Quelle surprise également que de voir Resident Evil aller aussi loin de la zone balisée par la franchise depuis la fin des années 90. On pourrait même y entrevoir la volonté d’une équipe inféodée à cette juteuse série d’aller faire autre chose malgré leurs obligations. Mettre les Zombies au placard et repenser sa formule, à travers le spectre des chantres de l’épouvante que sont Stoker ou Poe, a de quoi surprendre et en bien !

Sa majesté des mouches
Graphiquement, le titre est réussi malgré quelques rares moments un peu en dessous du reste. Si les environnements en sous-sol, comme les caves, peinent parfois à installer une ambiance harmonieuse et une finesse de rendu digne des autres passages du jeu, dans les sentiers enneigés, la silhouette grisâtre des arbres morts et des cadavres qui y sont pendus pose une ambiance immersive et pesante. Dans le château, c’est tout aussi magnifique avec ce décorum d’un autre temps. C’est d’ailleurs dans ce château qu’Ethan se retrouve être, une fois encore, l’invité surprise d’une réunion privée, dans laquelle il se voit malmené physiquement et dans lequel il fera la rencontre de personnages haut en couleur à l’instar de la charismatique Lady Dimitrescu et ses trois furies de filles.

Même armé, vous restez la proie
La comtesse sanglante
Lady Dimitrescu, personnage incontournable et fort réussi de ce nouvel épisode, est un savant mélange entre une belle aristocrate des années 30, coiffée de la plus belle des capelines blanches, et du personnage ô combien célèbre des Balkans : Erzebeth Báthory, la comtesse Sanglante. Erzebeth Báthory était la personnalité la plus puissante d’Europe de l’Est à la fin du XVI e siècle. À la suite d’un procès mené sous le joug de la torture de son petit personnel par son oncle, le palatin Thurzo, la femme fut accusée de plusieurs meurtres et emmurée dans une pièce de son château. Báthory aurait saigné ces jeunes femmes afin de garder sa jeunesse. Du procès de cette femme visiblement épileptique, peu enclin à se plier aux dogmes de son temps et à qui certaines puissances voisines de la Hongrie devaient de l’argent, s’ensuivit une légende noire. Des histoires terrifiantes ont fait fantasmer beaucoup d’auteurs, créant autour de celle qu’on présente depuis comme la première tueuse en série de l’histoire, beaucoup de fantasmes. Au fil du temps, c’est le spectre du vampire qui se mit à tourner autour de la mémoire de la comtesse, qu’on accusa d’avoir tué, non plus une dizaine de femmes comme l’affirme son procès, mais des centaines de vierges afin de prendre des bains de sang pour obtenir la jeunesse éternelle. Quoi de mieux donc que celle considérée comme la reine des vampires pour créer un personnage haut en couleur dans un jeu vidéo d’horreur. Le légendaire autour d’Erzebeth Báthory est d’une richesse et d’un esthétisme gothique tel que Capcom ne pouvait que réussir le personnage de Lady Dimitrescu. Accompagnée de ses 3 filles dans lesquelles on peut retrouver l’archétype des 3 femmes de Dracula dans le roman de Bram Stoker, elles vont s’illustrer dans des phases de jeux rappelant le Nemesis ou Mister X dans Resident Evil 2. À savoir des personnages vous traquant dans des lieux clos et que vous devrez fuir pour sauver votre vie.

Artwork de notre aristocrate buveuse de sang et sa descendance
Entre ajouts et valeurs sures du gameplay
Si la trame du jeu converse un pied dans le réel, rapidement Resident Evil Village nous plonge dans un monde coupé de tout, hostile et surnaturel. Ethan, personnage peu charismatique au départ, devient attachant au fil d’un récit sordide, l’emmenant dans un tourment infernal qui n’a rien à envier à certains moments de Silent Hill 2 ou encore P.T. Le gameplay, lui, reste profondément ancré dans ses fondamentaux. On nous sert l’évolution classique pistolet, fusil à pompe, fusil sniper et toute la panoplie d’armement militaire à modifier et perfectionner au fur et à mesure de la progression. Néanmoins, la contrée dans laquelle l’histoire se passe est hantée par des entités répondant à des codes de l’épouvante. Et bien que classique sur le fond, Capcom amène quelques passages jouant sur ses codes.
Concernant la gestion de l’inventaire, le traditionnel coffre d’objet a par ailleurs disparu, laissant la place à un menu avec plus de place, puisque les ingrédients permettant de créer les items consommables ne prennent plus d’emplacements dans la célèbre valise servant d’inventaire. Il en va de même pour les objets à revendre et les différents trésors à récupérer. En effet, ce 8e épisode reprend le principe du 4e avec un marchand ambulant et de la monnaie à générer, puis à dépenser pour faire évoluer les items. Un principe de cuisine fait également son apparition permettant de faire évoluer votre vie ou votre défense. En parlant de défense, il est également possible de se protéger en appuyant sur L1. La version PS5 propose en prime l’utilisation des gâchettes adaptatives, mises au service des sensations procurées en fonction de la catégorie d’armes utilisées. La possibilité de briser automatiquement les pots et les caisses sans devoir équiper le couteau ni perdre de munitions, est également une nouvelle option bienvenue.

Le marchand du village

Le level design joue sur des codes couleurs pour indiquer le chemin à suivre
L’ambiance sonore ne se distingue pas tant par des musiques inoubliables, mais plutôt par un sound design et un doublage travaillé. La version anglaise est tout bonnement superbe. Les personnages sont habités par des doubleurs jouant sur des caractères entre tristesse, folie et aristocratie décadente. On retrouve dans la VF plus inégale quelques comédiens de doublage connus et toujours pertinents comme Laurence Bréhéret, doubleuse récurrente dans Game of Thrones, où elle double à merveille Cersei Lannister mais aussi Sylvanas dans World of Warcraft. Le principe du thème apaisant et mélancolique des fameuses salles de sauvegarde a hélas totalement disparu et la majorité des musiques ne servent au mieux qu’à accompagner quelques passages précis mais ne marquent pas les esprits. Le travail d’animation est globalement bon. Néanmoins, le soin apporté aux personnages centraux ne se retrouve pas forcément partout et quelques protagonistes secondaires ont de la peine à exprimer quelconque émotion, tant les visages sont rigidifiés par des expressions faciales minimalistes. Fort heureusement le bestiaire et les acteurs centraux de l’histoire sont soignés.
Conclusion
En définitive, ce qui marque le plus dans cet épisode, c’est le changement et l’originalité des thèmes utilisés pour une franchise orientée Survival Zombie, marquant de fait un véritable tournant bienvenu pour la Saga. Ce choix permet un renouvellement, évitant de retomber une fois de plus dans des classiques comme l’hôpital, les égouts ou la ville en flamme. Resident Evil Village cite beaucoup Resident Evil 4 mais sans jamais vraiment le singer. Au contraire il réinvente quelques passages mythiques de l’épisode GameCube tout en amenant des pans entiers de phases de jeux bien à lui, et construites autour du folklore dont il s’inspire. Resident Evil Village est donc une messe noire où Vampires, Lycans et autres créatures invoqués au fin fond des Balkans tourmenteront l’inépuisable Ethan Winters courant après les fantômes d’une famille qui semble brisée en mille morceaux.

Artwork du charismatique et nonchalant Heiserberg, le seigneur des Lycans.
Les ajouts de la Gold Edition
Capcom a donc balancé un paquet de nouvelles choses pour son édition Goty de Village. Et avant d’attaquer le plus gros morceau, à savoir Shadows of Rose, prenons quelques lignes pour aborder le reste.
Pour commencer, le mode Mercenaire s’étoffe de nouveaux personnages jouables tels que Chris Redfield, Heisenbert et la fameuse Lady Dimitrescu. Et oui rien que ça ! A quoi consiste ce mode mercenaires ? Eh bien ce sont des défis en temps limité(s) durant lesquels vous ferez face à des hordes de monstres qu’il faudra vaincre en vous appuyant sur des bonus de temps et des pouvoirs acquis dans les arènes de combats. Plaisant et efficace, ce mode inspiré de l’illustre Resident Evil 4 ravira les plus accros à la série.
Resident Evil Re : Verse, le mode on-line du jeu fait également son apparition et ne demande par ailleurs pas la version Gold du jeu, mais un sésame internet sur console. Par contre c’est gratos sur PC ! Bah oui, comme d’hab quoi.

Le retour de la vue caméra à l’épaule fait plaisir
Question de point de vues
Et puis nous voilà face à l’évident aveu de Capcom de vouloir récupérer quelques anciens fans récalcitrants, en intégrant le retour de la vue à la 3e personne qui, après le succès évident des remakes de Resident Evil 2 et 3 sont redevenus des clients potentiels. De fait, l’éditeur se décide enfin à reprendre la vue iconique de Resident Evil 4 qui avait tant modernisé la saga en son temps. D’autant qu’aucun mode VR du jeu n’existe et que la série fonctionne bien mieux sur ce modèle classique de caméra.
Ce mode est donc bienvenu et cale directement la caméra derrière l’épaule d’Ethan. On retrouve donc le sentiment de jeu dont nous avait habitués la franchise depuis la Gamecube et cela fait plaisir, au détail près que on ne sait pour quelle raison Rose se traine dans le DLC alors que son père a un rythme de course normale. À noter que pour le jeu initial, l’intégralité des cinématiques repasse directement en vue intérieure, alors que le DLC met en scène le personnage de manière classique.
TEST – SHADOWS OF ROSE
Shadows of Malicia
Shadows of Rose, ou Malicia à la sauce Capcom. Si toi aussi tu as déjà ouvert un comics scénarisé par Chris Claremont, ou si toi aussi tu es tombé un soir à la télévision sur un des films X-men de Bryan Singer, tu connais forcément le personnage de Malicia. Cette gamine qui possède le Gène X mutant et des pouvoirs lui pourrissant la vie, alors qu’elle n’aspire qu’à vivre comme tout le monde, en laissant son statut de « Freaks » aux oubliettes. Eh bien voilà le leitmotiv du DLC de Resident Evil Village et par là même, la motivation principale de Rose, la fille d’Ethan, le héros un peu random mais pas tant que ça des épisodes 7 et 8. Et pour tenter de mener à bien sa quête, la jeune fille n’hésitera pas à vous passer le casque du cérébro de Charles Xavier sur la tête, histoire que vous l’aidiez à gagner une vie « normale ».
De par son statut très particulier dans l’univers Resident Evil, Rose est un personnage intéressant autour duquel Capcom avait de quoi creuser, pour amener un peu de sang neuf au gameplay de sa franchise. Bah oui, une gosse avec des pouvoirs de X-men c’est sympa non ? Et comme souvent dans les DLC les développeurs se lâchent, j’espérais vraiment une jouabilité assez novatrice, avec une proposition qui penserait Resident Evil un peu autrement pendant quelques heures. Hélas non ! A vrai dire, Shadow of Rose sur sa durée de 4 heures, est une sorte de mini Resident Evil Village avec une option de gameplay supplémentaire et pas mal d’autres en moins.

Chez les Winters on porte d’affreux manteaux de père en fille
What’s remains of Ethan Winters ?
Le jeu va vous ramener dans le château de Lady Dimitrescu et dans quelques environnements connus, en repensant le cheminement de tout ça un peu autrement, histoire de. De fait, vous obtiendrez quelques armes, bombes et plantes habituelles, et c’est parti pour 3 à 4 heures de spectacles et de baveux à flinguer. Eh oui, à flinguer ! Puisque les pouvoirs de notre héroïne ne servent en réalité qu’à étourdir les assaillants divers et pas très variés placés sur votre route. Vous débloquerez également avec ces capacités quelques passages obstrués par de classiques énigmes. Ces dernières sont construites sur des interactions avec l’environnement. A côté de ça, le jeu habille sa narration en s’inspirant de titres comme Observer et ses télévisions démoniaques, ou encore de What’s remains of Edith Finch. Vous savez, ce Walking simulator à l’ambiance fort sympathique qui s’amusait à écrire partout pour communiquer avec le joueur. Là-dessus, Capcom ajoute quelques jumpscares et phases d’actions pour certaines déjà vues ( le boss de moitié de jeu est entièrement repompé d’une phase de Resident 4) et le tout est emballé.

Ben oui après tout ?

Ambiance
Conclusion
En fin de compte, sans être particulièrement mauvais dans la forme, ce DLC de Shadows of Rose avec son nom rappelant les jeux expérimentaux de Konami époque PS2 ( Shadow of Memories si tu m’entends), loupe le coche et ne parvient pas à proposer réellement quelque chose d’original, alors que le personnage de Rose était un boulevard pour réellement se lâcher. Ainsi le jeu se contente de synthétiser un peu vite l’expérience initiale de Village, en la saupoudrant de deux trois concepts récupérés çà et là, tout en restant bien sur les rails.
Et sinon quand bien même tout le monde s’en ficherait je vous le dis quand même, j’ai écrit ce test en écoutant Florence + The Machine qui est un groupe formidable. Par ailleurs, ce papier a été réalisé sur Playstation 5 avec une clé fournie par son éditeur Capcom.