Réinventer Valkyrie Profile, voilà ce que nous a vendu Square Enix avec Valkyrie Elysium. Cet action RPG qui n’en est finalement pas vraiment un porte la lourde tâche de réécrire ce qui est encore, aujourd’hui, le plus grand jeu du studio Tri-Ace. Bonne nouvelle n’est-ce pas ? Sauf qu’il y a un petit astérisque à ce contrat de confiance avec le joueur. Elysium n’est pas développé par Tri Ace, et dispose d’une réalisation à l’économie. Dès lors, il a de quoi inquiéter les plus fervents admirateurs des déesses ailées scandinaves.
On ne va pas y aller par 4 chemins, Valkyrie Profile est mon jeu vidéo préféré. De fait, je me suis jeté sur ce nouvel épisode de la franchise qui était en dormance depuis 2008. (J’oublie volontairement l’épisode mobile, aujourd’hui balancé à la fosse commune des jeux téléphone mobile kleenex.) À la fois impatient en espérant une bonne surprise dans la lignée de Nier, mais également très inquiet de voir cette série finir en tête de gondole d’un magasin de déstockage avec la gueule de travers, la façon dont j’ai appréhendé la sortie de ce jeu fut assez complexe.

Le Hub central a bien de la gueule
Valkyrie Elysium, ou la narration par le texte
Une fois passé l’écran titre et l’iconique logo « Valkyrie », la réalisation du titre dévoile rapidement un jeu à la mise en scène fauchée. Une mise en scène qui ne décollera jamais, hormis le temps de quelques fulgurances au service des 4 fins déblocables et réellement soignées. On aurait aimé voir un jeu entier de ce niveau-là ! La grande majorité des phases de dialogue et de scénario n’ont même pas la prestance d’un Final Fantasy X sorti en 2001. C’est tout bonnement cheap !
Le jeu déroule son histoire à travers quelques dialogues où les personnages sont plantés comme des piquets et récitent leur texte. Heureusement peu nombreux, ces passages d’un autre temps cèdent vite la place à une autre forme de dialogues finalement bien plus intelligente. Elysium réutilise le principe de méditation imaginé dans le premier Profile lorsque Lenneth entend les voix des morts afin d’aller les chercher. Ce principe est développé ici, à la manière d’un Cd de drama audio et retrace tout l’historique des 4 Einherjar qui vous accompagneront toute l’aventure. Quid de la mise en scène, mais au final tant et même tant mieux vu le niveau de finition de celle-ci. Le procédé renfonce l’imaginaire autour d’un travail d’écriture pertinent, rendant nos 4 compagnons attachants. Leurs histoires fonctionnent et l’aspect tragique propre à la licence est ainsi au rendez-vous.
Elysium reprend à l’identique la thématique des anciens opus. Valkyrie est une passeuse d’âme travaillant à la solde d’Odin. Ainsi elle va au fil de son périple se rendre à Midgard et s’entourer de l’esprit d’anciens guerriers noblement tombés au combat, pour mener à bien sa mission : récolter des âmes afin que Odin puisse se régénérer de son pénible combat contre Fenrir lors du Ragnarok. Eh oui, à contrario des anciens épisodes, le jeu se déroule après le Ragnarok. Midgard est donc un monde dévasté où il n’y plus âme qui vive ou presque… (Pratique quand tu n’as pas de budget pour des villes peuplées d’habitants).

Taika est clairement un personnage de RPG des plus touchants
Réinventer Valkyrie Profile
4 personnages donc, contre plus de quarante dans le premier jeu de 1999. Mais 4 personnages autour desquels est bâti un système de jeu solide et rudement grisant à jouer. Elysium a bien des défauts mais il a le mérite de proposer, pad en main, une jouabilité et une expérience solide malgré un bestiaire assez limité et un level design linéaire et conventionnel.
Via des raccourcis manette, Valkyrie peut utiliser des magies, mais aussi invoquer ses compagnons. Chacun dispose d’un élément particulier : Feu, glace, lumière et foudre. En face, les ennemis sont tous faibles à un type d’élément. Rapidement le joueur est invité à utiliser la bonne magie et à invoquer le bon allié. Sachant qu’il peut invoquer sur le plateau les 4 en même temps, mais qu’il peut allier sa Valkyrie à l’un d’eux. Et pour quoi faire ? Et bien dans le but de donner à son arme une préférence élémentaire permettant de taper l’opposant jusqu’à lui casser sa barre de break et ainsi l’étourdir plusieurs secondes. Malgré quelques caméras bordéliques et des magies rendant l’action parfois confuse, le système de jeu est brutal et puissant et les jauges d’âmes et de magie sont généreuses si l’on combotte bien. De plus, en coulisses il est possible d’associer aux armes, des bonus permettant de récupérer telles ou telles ressources. Magie, vie, défense, âmes… Enfin cerise sur le gâteau, Elysium se réapproprie et magnifie le système de téléportation de Noctis dans FFXV, permettant de travers en 1 seconde ou deux, toute une arène pour aller démonter le vilain du fond. Un véritable régal !
Elysium met à la disposition du joueur plusieurs épées et lances avec chacune des chorégraphies différentes. De la lance lourde à la rapière en passant par la traditionnelle épée à une main, les sensations sont plaisantes bien que chacune de ces armes partagent les mêmes enchaînements de boutons. Des enchaînements élégants aux animations soignées qui rendent hommage au superbe chara-design de la Valkyrie. Ajoutez à cela tout un système d’arbre de compétence et d’évolution des armes, on pourrait se dire qu’on a ici de quoi faire un très bon Action RPG. Oui ! Mais en fait non. Et on en revient au jeu fauché. Elysium est dans sa structure est tellement chiche qu’il se refuse jusqu’au moindre marchand pouvant nous vendre des potions ainsi que toute idée d’un système de level up bien établi. Faisant de lui une sorte de Beat them up RPGïsé. Et c’est dommage.

Les effets de lumières des combats donnent du panache au titre
Beat them Up RPG ?
Le level design est lui aussi dans la foulée du système d’évolution. Si la sensation de gagner en puissance est bien dosée tout au long des 20h de jeu que compose l’aventure, ce nouveau Valkyrie est le RPG le plus linéaire auquel j’ai joué depuis fort longtemps. Tout est scripté, ne laissant aucune liberté à l’exception de quelques coffres et objets à peine cachés derrière une fougère. De plus le titre est construit autour d’un Hub central : » Asgard » duquel on va prendre des missions à remplir. Là encore, cette structure rapproche plus Elysium du BTU que du A RPG.
Alors faire un bon BTU, pourquoi pas après tout ? Sauf que le jeu passe après des pointures comme Castlevania Lords of Shadow ou encore Bayonetta. Et bien qu’il amène des boss impressionnants, son level design reste scolaire. Malgré des features comme un rayon de lumière permettant d’aller s’accrocher sur les auteurs et un double saut, notre Valkyrie reste souvent au sol et se garde bien d’utiliser sa magnifique paire d’ailes blanches, si ce n’est le temps de nous éblouir d’un magnifique Nimbelung Valesti comme on en avait jamais vu. Par conséquent, les idées de game design sont là, mais l’architecture des environnements ne sait leur rendre hommage et les relègue donc au rang de gadgets.

Comme dans Silméria, on retrouve la dualité des Valkyries
Une bande son enchanteresse
Enfin, la série Valkyrie c’est également une ambiance visuelle et sonore. Et de ce côté-là, on retrouve pleinement l’esprit de la franchise. Un savant mélange de forêts brumeuses, de médiéval européen, avec un zeste de gothique flamboyant s’incrustant dans quelques bâtiments ; le tout enrobé de teintes pales où les verts et les nuances de gris sont omniprésentes. Nonobstant une modélisation trop succincte des lieux, c’est la direction artistique qui l’emporte ici.
Habillant ces environnements, la bande-son signée Motoi Sakuraba, seul membre rescapé de l’équipe originale, est superbe. Très loin des morceaux pompeux et bruyants de Tales of Arise, le score d’Elysium rappelle les mélodies discrètes des anciens épisodes construites autour d’instruments comme la cornemuse, le whistle ou la harpe celtique, et remplace les morceaux rock prog d’antan par des morceaux alternant percutions, flûtes et envolées de violons. C’est un régal au point que la pertinence musicale du compositeur visiblement heureux de retrouver ses Valkyries, s’harmonise à la perfection avec le dynamisme du système de jeu, parvenant à donner au titre une véritable âme et de fait, l’envie d’y retourner avec plaisir.

Malgré le manque de moyen, le jeu a de beaux moments aussi dans ses environnements