Il y a des jeux que l’on termine et que l’on range pour en entamer un autre et il y a des jeux que l’on use jusqu’à la corde. Quand bien même il n’y a pas de trophée car ça tourne sur Switch qu’importe, Bayonetta 3 est sorti fin octobre et depuis un mois, je ne joue qu’à ça et ce n’est pas prêt de s’arrêter ! Car oui ne nous y trompons pas malgré le rouleau compresseur médiatique de certains gros AAA, Bayonetta 3 est le meilleur BTU 3D de l’année, et probablement le titre le plus inventif de 2022 ! Après une si longue attente, quel retour fracassant pour la sorcière la plus cool du monde. Et quel soulagement de voir qu’après des années de projets annulés (Scalebound) et de rendez-vous manqués (Babylon Fall), Platinum Game nous livre un Magnus Opus digne de Bayonetta 1 et 2, des jeux incarnant leurs plus belles heures de gloire.
Alors oui, Bayo 3 est un chef-d’œuvre mais la question est : Pourquoi ? Et bien pour de très nombreuses raisons que nous allons évoquer dans ce papier, mais qui peuvent se résumer pourtant assez simplement : la prise de risque, la générosité et la maitrise quasi mystique de la science du gameplay ! Bayonetta 3 c’est un savoir-faire hérité des grandes heures de Capcom avec en plus de ça, l’amour du risque. Bayonetta 3 c’est ce genre de jeu japonais à l’identité bien affirmée qui comme un Dragon Quest XI, sait se montrer extrêmement généreux. Quand DQ XI est capable post-générique, d’offrir dans sa version de base 1.0 après 50h de jeu et un générique de fin, un contenu postgame qui prolonge l’histoire de 30h de plus ; Bayonetta 3 offre par ses ajouts, ses multiples secrets, ses couches superposées de Gameplay, ses idées folles et ses propositions de jeu une re-jouabilité quasi infinie.
Danser avec le diable au clair de lune ?
Découpé en une quinzaine de chapitres officiels, le titre cache dans sa matrice plus d’une dizaine d’armes déblocables, dont certaines cachées dans des chapitres également cachés et déblocables sous certaines conditions, amenant eux-mêmes, du contenu inédit. C’est de cette dizaine d’armes que ressort une partie de ce sentiment de profondeur de jeu. Mais cela n’est que la partie visible de l’iceberg, puisque de chaque arme dépend une invocation contrôlable. Oui contrôlable ! Pour les amoureux de la série, voir notre belle sorcière se mettre à nu pour invoquer de gigantesques démons de l’enfer afin de « finish » un Ange un peu trop belliqueux, dans des phases de martelage de bouton, est un classique. Et bien Bayonetta 3 ne se contente plus d’ouvrir la porte des enfers pour nous poser dans la posture du spectateur, il nous chuchote les plus sournois des maléfices afin que nous puissions incarner ces créatures infernales, familiers de celle qu’on appelle aussi Cereza.
Chaque arme dispose de plusieurs combos et compétences déblocables par des points récoltés çà et là au fur et à mesure des bastons. Et il en va de même pour les démons. Si les mappings de boutons à exécuter sont proches pour chaque arme, les move-set proposés par chacune d’entre elles sont tous très variés. Et c’est là, tout le secret et le génie de ce jeu. Proposer une mécanique permettant d’installer un confort et une mémoire musculaire des combos au plus grand nombre, afin de mieux se concentrer sur toutes les subtilités d’animations, de distance et de patterns adverses et ça, sans se noyer sous un flot d’informations trop dispersé. Bayonetta est une danse, un ballet macabre où la sorcière prend les traits un cygne noir venu exécuter ses pas de danse mortuaires pour le plaisir des yeux et surtout pour le plaisir de jeu.

Bayonetta, toujours irrévérencieuse
Folies Nocturnes
La palette d’animation est dingue et on ne peut que s’incliner devant un tel travail. Chaque arme propose une galerie de mouvements extrêmement riches et chacune d’elles va demander un réel apprentissage avant maîtrise, au point que le premier run du jeu, plus encore que dans les anciens épisodes, est une présentation de l’expérience dans ce qu’elle a à proposer en matière de mécaniques. De plus, Bayonetta 3 est un jeu en perpétuelle évolution, au point que pratiquement chaque situation sera différente de la précédente. C’est simple je n’ai pas souvenir d’un jeu capable de se réinventer à ce point à chaque nouveau chapitre depuis Resident Evil 4.
Pour exemple, la profondeur est telle, que pour nous permettre de maîtriser un maximum de subtilités, certains versets facultatifs dispersés dans tout le jeu exigeant du joueur de relever des défis sous la contrainte et avec des handicaps. De prime abord perturbants car exigeants, ces moments sont en réalité de délicieux défis illustrant toute la profondeur et la maîtrise de l’art du gameplay que peut offrir cette série.
En outre, Bayonetta 3 ne s’arrête pas qu’a cette couche de lecture, bien au contraire. Quand je parlais de renouvellement digne d’un Resident 4, cela allait bien au-delà de la diversité des armes. Ce 3e épisode est en mouvement perpétuel. Vous jouerez à Bayonetta comme dans un BTU classique, mais vous vivrez également des moments de plateforme totalement fous, des phases de Shoot em up frénétiques, des passages de Versus Fighting à base Kaiju en mode Primal Rage mais en 100 fois mieux ou encore, une comédie musicale en plein Paris à la manière du jeu de rythme ! Bayonetta 3 est fou, Bayonetta 3 est dingue et n’a de limite que l’imagination de Hideki Kamiya et son équipe.

Bayonetta 3 propose les situations les plus délirantes et inattendues qui soit
Le temps des sorcières
Se réinventer, le leitmotiv d’un jeu qui va jusqu’à affiner sa mécanique la plus iconique : le « Witch Time Event » (Envoutement) en incluant deux phases. Une, réalisée parfaitement, amenant un ralentissement du temps permettant de taper quelques secondes en totale liberté et une autre, réalisée trop en avance et qui permet de ralentir le temps une fraction de seconde, afin d’esquiver un coup mais sans pouvoir enchaîner derrière.
Se réinventer encore, avec l’intégration d’un nouveau personnage jouable : Viola, proposant une autre approche de gameplay basé sur le contre et plus l’esquive est ce, toujours autour du Witch Time Event. Ainsi avec la touche R il faudra appuyer à la « frame » pour bloquer et ainsi ralentir le temps. La touche R amène chez Viola en appuyant une seconde fois, et chez Bayonetta en appuyant une seule fois, la possibilité de foncer sur l’ennemi très vite, un peu à la façon d’un Noctis dans Final Fantasy XV. Cet élément vient rajouter une couche supplémentaire de dynamisme.
Se réinventer encore et toujours ! Lorsque vous invoquez un démon, Bayonetta se met à danser et vous le contrôlez en appuyant sur les boutons. Lors de ces phases, la belle est vulnérable donc il faut rester prudent. Et là vous vous dites : Bordel qu’est-ce que ça serait dingue de pouvoir jouer Bayonetta pendant que le démon tape à ses côtés ! Et bien grâce à l’un des nombreux objets en vente chez Rodin, c’est tout à fait possible. Une fois équipez, vous appuyez sur L2 comme pour l’invoquer normalement et si vous maintenez la touche, la créature reste avec vous jusqu’à ce que votre jauge de magie soit cuite. Et là, mes amis c’est le festival ! Un déluge de combo vient s’abattre sur les Homonculus ( les nouveaux ennemis de cet épisode) et des possibilités de dualité armes/démons viennent rapidement se dessiner. Car sachez bien que le démon invoqué n’est pas forcément lié à l’arme équipé. Le jeu propose 2 armes interchangeables en un bouton ainsi que 3 démons différents changeables eux aussi en un bouton. Et le tout est modulable à tout instant dans le menu. Et comme ce n’est pas tout, chaque arme est capable d’offrir à Bayonetta une transformation bestiale toutes aussi classes les unes que les autres, ainsi qu’une furie dévastatrice et très punitive différente par forme.
Se réinventer encore et toujours et même au-delà… Et oui ce n’est pas terminé, puisqu’il reste encore à évoquer Jeanne. L’autre sorcière et amie de Bayonetta qui dans cet épisode 3, se dévoile dans des phases de jeux tout à fait étonnantes mixant à merveille deux titres qui n’ont pourtant rien à voir : Elevator Escape et Metal gear Solid ! Et oui quand on a crée Devil May Cry, Okami, Viewtiful Joe et Bayonetta, on ne se refuse rien !
Se réinventer, peut être un peu trop ?
Vous l’aurez compris, le changement et le besoin d’innover sont permanents dans ce Bayonetta 3, au point que sur quelques détails le doute peut s’installer. Car si bayonetta réussi tout ce qu’il entreprend d’un point de vue du jeu, côté narration c’est un peu le bordel. Des choix finaux qui découlent d’une écriture assez brouillonne d’un scénario qui vient un peu bousculer les règles que l’on pensait établies depuis les 2 premières jeux. L’autre point que je regrette à titre personnel, c’est la perte esthétique évidente d’un point de vue architectural. Bayonetta 1 et 2 de par leur lore tournant autour des sombres mystères médiévaux et ésotériques, proposaient de très belles zones inspirées par certaines vieilles citées ouest-européennes. Ici l’approche est beaucoup plus éclatée, puisque Bayo 3 mélange urbanisme moderne et décors asiatiques du types Chine impériale ou Japon féodal. Bref ça tranche avec l’ambiance d’avant. Et il en va de même pour le bestiaire. Quid quasi complet des Anges massifs et baroques lorgnant sur le rococo avec cette surcharge évidente sur les dorures qui les caractérisaient. Quid également de tout le bestiaire démoniaque bien développé dans l’épisode 2. Tout cela tranche donc lors du premier run du jeu pour finalement s’éclipser une fois plongé dans les mécaniques de jeu.

Le design des boss a bien changé depuis le premier
Le diable s’habille en Prada
En me remémorant les moments de jeu avec Jeanne, je ne peux qu’avoir envie de parler de l’esthétique et des clins d’œil que fait en permanence Bayonetta 3 à la pop culture Japonaise. De Lupin III à Cowboy Bebop, en passant par Dragon Ball Z, sans oublier bien évidemment Godzilla ou encore Drakengard 3 du poto Yoko Taro, Bayonetta 3 est un jeu fou et totalement hors limites, voir hors de contrôle. Tel le « finish him » d’un Iori Yagami en enrage dans The King of Fighters, Platinum Game a mis tous les potards au max pour nous exploser son amour du jeu vidéo à la figure. Le jeu s’est entièrement affranchi de son contexte narratif d’histoire de sorcières médiévale pour proposer un jeu qui traverse, l’espace, le temps et les dimensions à la rencontre de multiples versions de notre sorcière bien-aimée, parfois Tokoïte sirupeuse, Néfertiti dévergondée et plus encore… Des versions de notre naïade nocturne qui vont étoffer bien évidemment la garde robe de la belle avec en prime la possibilité cosmétique de changer les couleurs d’à peu prêt tout les éléments du personnage. Enfin, au cœur de ce fourmillement perpétuel, le jeu arbore une mise en scène extrêmement dynamique, poussant ses angles de caméra jusqu’au vertige et qui crée un tempo parfait avec les phases de jeu, afin dérouler un scénario finalement assez bordélique, mais de toute façon totalement secondaire bien que surprenant puisqu’embarquant dans sa besace, son lot de surprises et de rebondissements jusqu’à un final qui on l’espère, donnera une suite.

Cet épisode 3 propose clairement les meilleurs design concernant son héroïne